LA FLECHE MAGIQUE
Enfant brun, au regard sombre et magnétique, secret, rêveur, un peu sauvage, et épris de lecture, tel est le portrait d'Atis, progéniture moderne d'une société en mal de productivisme. Sensible au malheur des autres et aussi des animaux, il ramenait toujours des petites bêtes chez lui pour tenter de les sauver. Il était préoccupé également par l'avenir de la planète malade l'activisme immodéré et irréfléchi des êtres humains. "Est-ce que les animaux travaillent ?", pensait-il. Ils paraissent tellement heureux et contents de vivre quand on leur accorde un peu de liberté !
Il habitait la campagne et n'aimait guère aller à la ville qui sentait si mauvais !
Depuis quelque temps, il rêvait d'un poney pie avec une queue très fournie et de longs crins. Mais papa et maman ne désiraient pas s'encombrer d'un équidé. Ils avaient bien trop à faire !
Atis dormait mal, avec constamment ce désir dans sa tête. Il se visualisait galopant dans d'immenses prairies ensoleillées où des milliers de fleurs reflétaient la lumière de l'astre solaire. C'était un spectacle extraordinaire! Comme la journée lui semblait longue! Il lui tardait que survienne enfin la nuit pour revivre son rêve merveilleux. Celui-ci ne cessait de le hanter malgré le temps qui passait. Atis était plein d'une indéfinissable nostalgie. Pourtant, une étincelle pétillait au plus profond de ses prunelles. Un brin d'espoir, quelque part. Peut-être était-ce un bon présage que ce songe empli de fleurs multicolores dansant dans le vent ?
Un jour l'impossible se réalisa. Un bruit devant la maison attira l'attention d'Atis. Il ouvrit la porte et, les yeux écarquillés de surprise, découvrit un poney pie, tel qu'il le souhaitait. Il se jeta dans les bras de ses parents. "Oh ! merci papa ! je suis tellement content !" Mais son père était plutôt déconcerté par cet événement. "d'où vient ce cheval? Je t'assure, je n'ai pas acheté cet animal !"
Il prit le téléphone pour obtenir des renseignements auprès de ses voisins mais personne ne savait à qui il appartenait. Les jours suivants n'apportèrent pas plus d'indices. Atis jubilait.
Son père acceptait de garder le poney à condition qu'Atis s'en occupe et si personne ne venait le réclamer avant un an et un jour, il serait définitivement à lui! N'était-ce pas étrange? Il correspondait si bien à ses rêves ! Sur son petit cheval, Atis était très à l'aise comme si il avait fait cela toute sa vie. L'animal était doux et amical. Ils paraissaient tous deux très complices. Atis s'extériorisait davantage et devenait plus loquace avec les étrangers mais ses nuits étaient encore agitées. Il rêvait maintenant d'un arc. Non pas d'un arc moderne, lourd, encombrant et trop sophistiqué, mais d'un arc léger en bois avec un carquois garni de flèches. De plus, depuis deux ou trois nuits, un être singulier lui apparaissait, un vieil homme avec une longue chevelure blanche étincelante où se mêlaient des reflets argentés.
C'était un indien digne et fier. Sa présence inspirait admiration et respect.
"Lève-toi avant le soleil, mon fils et prie pour la terre, pour tes frères les animaux et aussi pour les hommes ... Prie pour que tous vivent en harmonie."
Ainsi fût fait et un peu plus tard, en rendant visite à son poney dans l'écurie, Atis eût un sursaut. Là, sur une botte de foin, un magnifique arc l'attendait avec un carquois brodé de perles turquoises et des flèches ornées de plumes. Interloqué, il restait immobile à contempler l'arme. Dans sa tête des pensées se bousculaient. Il y avait une relation avec son rêve, c'était
certain! Il ne pouvait en être autrement. Il y avait aussi un livre qu'Atis ouvrit avec
précaution. Il commença à le lire à haute voix et, son esprit fût emporté par toute l'émotion, toute la sensibilité de l'auteur, qui était Amérindien. Avait il éprouvé déjà une si grande joie !
Toute la poésie du monde vibrait avec une telle intensité dans cet ouvrage. Il en avait les larmes aux yeux et en même temps une immense nostalgie l'envahissait.
Il lui semblait revivre une vie passée où l'on démontrait un attachement aux réelles valeurs de la vie et du respect pour les multiples formes de celle-ci. Le livre mystérieux ne quitta plus sa table de nuit. Son sommeil fût doux et léger malgré une nouvelle visite de son ami.
"Sois en communion avec toi-même et avec tout ce qui t'entoure, mon fils, chasses les mauvaises pensées et imagine qu'un flot de lumière entre par le sommet de ton crâne. Tu vas bander l'arc mais tu seras la flèche, mon fils. N'oublie pas cela: tu seras la flèche !"
Tôt le matin, Atis partit. Quel bonheur que cette journée là. Il se sentait si libre avec son poney, sans contraintes, une journée splendide !
Le ciel était d'un bleu soutenu et de petits rapaces tournoyaient à la recherche d'une proie.
- "Au moins ceux-là ne tuent que pour se nourrir! », pensa Atis. Il attacha son poney et
essaya plusieurs fois son arc sur des cibles inertes, en prenant bien soin de ne pas blesser les arbres qu'il aimait beaucoup. Mais, il était trop préoccupé par une quelconque performance pour faire un bon travail sur lui-même et oubliait un peu les sages conseils du vieil homme, dans son excitation. Il lui fallut des jours et des jours pour exercer sa patience et réussir à atteindre réellement une fois le coeur d'une cible. Un après-midi, se sentant fatigué, il s'allongea et s'endormit. Une voix en lui le réveilla soudainement. L'entité l'interpella :
"Maintenant, tu es en harmonie. Tu dois ne faire qu'un avec la nature, ne faire qu'un avec la flèche. Prends ton arc, mon fils." Atis se leva. Comme il se sentait serein, avec une grande joie intérieure, telle qu'il n'en avait jamais éprouvée ! Il banda son arc vers le ciel.
- "Je suis la flèche, je suis la flèche !" Et tout à coup, il devint la flèche ! Il s'envola au
dessus des grands arbres à une vitesse vertigineuse et un amour d'une intensité inimaginable le submergea. Il volait ! Il volait !
Un épervier vint le rejoindre et poussa un cri strident. Il fixait sur lui ses yeux cuivre et quelques unes de ses plumes se soulevaient sous la force du vent.
- "Nous sommes frères, Atis !"
Comme il était beau ! Comme tout semblait si petit en bas ! Tout un feu d'artifice rien que pour lui! Une lumière éblouissante devant lui attira son regard et il perçut à ses côtés une présence bienveillante et apaisante.
- "Ne crains rien, Atis, je suis là. Tu viens de partager le souffle du Grand Esprit! Grâce à la flèche magique, tu as appris le voyage de l'âme. Mais à présent, il est urgent de rejoindre ton corps."
Atis réintégra son corps sans difficulté. Il en était encore étonné quand la voix reprit :
- "Chacune de nos pensées doit être aussi pure que la flamme d'une bougie, chacun de nos actes doit être mûrement réfléchi, afin que des forces nouvelles et positives renaissent en nous. Le Tout est Un. Tout se tient. Si la terre souffre, l'homme aussi en pâtira."
Atis murmura :
- "Cette Force positive qui peut tout changer ne peut être que l'Amour !"