Si toi aussi, tu entends souvent ton cœur parler à ta plume, viens déposer tes escarpins dans l'empreinte de nos pas.
Tu pourras alors alimenter cette rivière afin qu'elle devienne un fleuve prolifique de douceurs où tous, nous venons à notre tour, pour y tremper notre plume féconde.
Et cet affluent de pensées innombrables finit sa course magnifique dans un océan de lumières.
J'aime cet idée de partage.
Elle devrait régir le monde sans aucune faille.
Pour que nous regardions tous dans la même direction.
C'est pour cette raison que nous aimons tant la poésie... Et les poètes !...
Gérard SANDIFORT alias Sandipoete
Forum poétique
Si toi aussi, tu entends souvent ton cœur parler à ta plume, viens déposer tes escarpins dans l'empreinte de nos pas.
Tu pourras alors alimenter cette rivière afin qu'elle devienne un fleuve prolifique de douceurs où tous, nous venons à notre tour, pour y tremper notre plume féconde.
Et cet affluent de pensées innombrables finit sa course magnifique dans un océan de lumières.
J'aime cet idée de partage.
Elle devrait régir le monde sans aucune faille.
Pour que nous regardions tous dans la même direction.
C'est pour cette raison que nous aimons tant la poésie... Et les poètes !...
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Nombre de messages : 278 Age : 81 Localisation : Bruges Date d'inscription : 19/10/2014
Sujet: ARAGON Louis - Prose du bonheur et d'Elsa Dim 17 Mai 2015 - 14:36
Louis Aragon (1897 - 1982)
Prose du bonheur et d'Elsa
Sa première pensée appelle son amour Elsa L'aurore a brui du ressac des marées Elsa Je tombe Où suis-je Et comme un galet lourd L'homme roule après l'eau sur les sables du jour Donc une fois de plus la mort s'est retirée Abandonnant ici ce corps à réméré
Ce cœur qui me meurtrit est-ce encore moi-même Quel archet sur ma tempe accorde un violon Elsa Tout reprend souffle à dire que je t'aime Chaque aube qui se lève est un nouveau baptême Et te remet vivante à ma lèvre de plomb Elsa Tout reprend souffle à murmurer ton nom
Le monde auprès de toi recommence une enfance Déchirant les lambeaux d'un songe mal éteint Et je sors du sommeil et je sors de l'absence Sans avoir jamais su trouver accoutumance
A rouvrir près de toi mes yeux tous les matins
A revenir vers toi de mes déserts lointains
Tout ce qui fut sera pour peu qu'on s'en souvienne En dormant mon passé que ne l'ai-je perdu Mais voilà je gardais une main dans les miennes Il suffit d'une main que l'univers vous tienne Toi que j'ai dans mes bras dis où m'entraînes-tu Douleur et douceur d'être ensemble confondues
Un jour de plus un jour Que la barge appareille Sur la berge s'enfuit novembre exfolié Ce que disent les gens me revient aux oreilles Il va falloir subir à nouveau mes pareils Depuis le soir d'hier les avais-je oubliés Mais dans les joncs déjà j'entends les jars crier
Je ne sais vraiment pas ce que peut bien poursuivre Cet animal en moi comme un seau dans un puits Qu'est-ce que j'ai vraiment à m'obstiner de vivre Quand je n'ai plus sur moi que la couleur du givre L'âge dans mon visage et dans mon sang la nuit N'achèvera-t-on pas l'écorché que je suis
J'écoute au fond de moi l'écho de mes artères Je connais cette horreur soudain quand il m'emplit Faut-il donc se borner à subir et se taire Faut-il donc sans y croire accomplir les mystères Comme le sanglier blessé les accomplit Si le valet des chiens ne sonne l'hallali
Quoi je dormais toujours ou qu'est ce paysage Quel songe m'habitait dans l'intime des draps Où tu vas je te suis La vie est ton sillage Je te tiens contre moi Tout le reste est mirage J'étais fou tout à l'heure Allons où tu voudras Non je n'ai jamais mal quand je t'ai dans mes bras
Je vis pour ce soleil secret cette lumière Depuis le premier jour à jouer sur ta joue Cette lèvre rendue à sa pâleur première On peut me déchirer de toutes les manières M'écarteler briser percer de mille trous Souffrir en vaut la peine et j'accepte ma roue
Ah ne me parlez pas des roses de l'automne C'est toujours le front pur de l'enfant que j'aimais Sa paupière a gardé le teint des anémones Je vis pour ce printemps furtif que tu me donnes Quand contre mon épaule indolemment tu mets Ta tête et les parfums adorables de mai
L'amour que j'ai de toi garde son droit d'aînesse Sur toute autre raison par quoi vivre est basé C'est par toi que mes jours des ténèbres renaissent C'est par toi que je vis Elsa de ma jeunesse O saisons de mon cœur ô lueurs épousées Elsa ma soif et ma rosée
Comme un battoir laissé dans le bleu des lessives Un chant dans la poitrine à jamais enfoui L'ombre oblique d'un arbre abattu sur la rive Que serais-je sans toi qu'un homme à la dérive Au fil de l'étang mort une étoupe rouie Ou l'épave à vau-l'eau d'un temps évanoui
J'étais celui qui sait seulement être contre Celui qui sur le noir parie à tout moment Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant Que serais-je sans toi que ce balbutiement
Un bonhomme hagard qui ferme sa fenêtre Le vieux cabot parlant des anciennes tournées L'escamoteur qu'on fait à son tour disparaître Je vois parfois celui que je n'eus manqué d'être Si tu n'étais venue changer ma destinée Et n'avais relevé le cheval couronné
Je te dois tout je ne suis rien que ta poussière Chaque mot de mon chant c'est de toi qu'il venait Quand ton pied s'y posa je n'étais qu'une pierre Ma gloire et ma grandeur seront d'être ton lierre Le fidèle miroir où tu te reconnais Je ne suis que ton ombre et ta menue monnaie
J'ai tout appris de toi sur les choses humaines Et j'ai vu désormais le monde à ta façon J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines Comme au passant qui chante on reprend sa chanson J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson
J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne Qu'il fait jour à midi qu'un ciel peut être bleu Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux Tu m'as pris par la main comme un amant heureux
Il vient de m'échapper un aveu redoutable Quel verset appelait ce répons imprudent Comme un nageur la mer Comme un pied nu le sable Comme un front de dormeur la nappe sur la table L'alouette un miroir La porte l'ouragan La forme de ta main la caresse du gant
Le ciel va-t-il vraiment me le tenir à crime Je l'ai dit j'ai vendu mon ombre et mon secret Ce que ressent mon cœur sur la sagesse prime Je l'ai dit sans savoir emporté par la rime Je l'ai dit sans calcul je l'ai dit d'un seul trait De s'être dit heureux qui donc ne blêmirait
Le bonheur c'est un mot terriblement amer Quel monstre emprunte ici le masque d'une idée Sa coiffure de sphinx et ses bras de chimère Debout dans les tombeaux des couples qui s'aimèrent Le bonheur comme l'or est un mot clabaudé Il roule sur la dalle avec un bruit de dés
Qui parle du bonheur a souvent les yeux tristes N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue Une corde brisée aux doigts du guitariste Et pourtant je vous dis que le bonheur existe Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues Terre terre voici ses rades inconnues
Croyez-moi ne me croyez pas quand j'en témoigne Ce que je sais du malheur m'en donne le droit Si quand on marche vers le soleil il s'éloigne Si la nuque de l'homme est faite pour la poigne Du bourreau si ses bras sont promis à la croix Le bonheur existe et j'y crois
[... ]
(Louis Aragon, Le roman inachevé)
Certaines strophes ont été reprises par Jean Ferrat dans son bel album consacré à Aragon :