Fascinante nuit

La nuit semble endormie
Au creux de ses draps sombres
Depuis le fond des temps
Mais ne l'est qu'à demi
Toute façonnée d'ombres
Aux profils inquiétants

Elle nous prend, nous tient
On l'entend se mouvoir
Se fondre, fusionner
Sinistre, elle entretient
Un fascinant pouvoir
Qui nous fait frissonner

Et voilà qu'elle rampe
Jusqu'à ses contours flous
Mais, fuyant la lumière
Vite elle se retrempe
Dans son lit, se renfloue
S'endeuillant toute entière

Rêche, d'un pas glissant
Elle avance à tâtons
Elle grince, elle craque
A vous glacer le sang
Dans sa tenue charbon
Elle chasse, elle traque

Une nuit de veille où
J'allais en chair de poule
En tremblant comme un môme
De crainte qu'un voyou
Ne surgisse en cagoule
J'ai croisé un fantôme

Nulle trace de haine
Dans son œil et sur lui
Nulle trace de lutte
Il chantait sa rengaine
Visage réjoui
Tout en jouant du luth

Et moi qui m'apprêtais
D'un ultime sursaut
A crier au secours
Le fantôme n'était
Et j'en suis resté sot
Qu'un joyeux troubadour

Même si la nuit couve
Quelques esprits tapis
Dans ses recoins malsains
Dès lors que son cœur s'ouvre
Il n'est pas de répit
Plus goûté qu'en son sein

A sa lugubre toile
Quand sa lune est de miel
Le malheur se dissipe
Le feux de ses étoiles
Donne un septième ciel
Où l'amour s'émancipe

La nuit semble endormie
Au creux de ses draps sombres
Depuis le fond des temps
Mais ne l'est qu'à demi
Il y a dans ses ombres
Des souffles palpitants.