Le bibliothécaire

Calme, un brin timide, débonnaire
Derrière sa barbe le bibliothécaire
De tant d’indifférence se désole.
A ce gourmet de littérature,
Goûtant les nouveautés,
Savourant ses classiques,
Lui ce croquant de BDs et d’encyclopédies,
Cet insatiable dévoreur de policiers,
Pour conserver sa bonne mine
Voudrait qu’on lui cuisine
Contre un sourire, un conseil, des mots doux
Des lettres salées d’embruns lointains
Des textes fins qui lui tournent la tête,
Des poèmes qui chantent l’amour par-dessus les toits
Il voudrait qu’on lui fredonne des histoires terrifiantes
Et des amusantes qui lui fassent pétiller les yeux
Et secouer son bedon naissant.

Mais voilà ses lecteurs sont aveugles
Comme le passant ignorant la main tendue du mendiant.
- Voilà ce qui me révolte,
C’est dit, je sors mon colt !
Le premier qui moufte, menace le spécialiste des livres,
Je lui récite pour l’éternité le bottin de la Seine
Avec les pages blanches et les jaunes
Et dans un vent de terreur,
Les lecteurs suant de peur
Se mettent sur le champ à l’œuvre.

Une jeune enfant sifflant son abécédaire avec hésitation,
Un vieux militaire un peu gâteux d’en avoir trop vu,
Un professeur sans âge
Et une grand-mère hors d’âge.
Qui d’une fable sans queue ni tête,
Qui d’un roman à l’eau de vie prétendant que les roses le font éternuer
Qui d’un traité sur les grandes manœuvres car le colonel vomit les frivolités
Qui de ses souvenirs échappés d’une mémoire défaillante,
Ils y mettent une telle farouche ardeur
Que le bibliothécaire les bras en croix sur son ventre
Verse une larme d’enfant satisfait.

A J.F.G

D'abord félicitation pour.....récit ? Fable ? conte ?
Qu'on me vienne à l'aide pour définir cet écrit, si vraiment il faut définir.

Très savoureux, et je suis comme ce bibliothécaire, j'aime aussi les récits qui réjouissent.

Il s'agit d'un récit, d'un petit hommage au bibliothécaire de ma ville d'autrefois, qui à mes demandes improbables répondait toujours avec gentille et quelquefois avec une efficacité étonnante

PS : il n'a jamais pris en otage ses lecteurs à ma connaissance !

j'aime bien les images et les jeux de mots. on sort des sentiers battus et des livres poussiéreux.
Merci pour le partage.

J'ai vraiment beaucoup aimé ton récit. Voilà un bien bel hommage à ce bibliothécaire.

Une très belle plume saupoudré de volupté merci vraiment pour cette lecture

Le bibliothécaire sésame
A préféré laisser la clé
Aux lecteurs ayant encore l'âme
À venir lire à son chevet

Lui, il est parti dans nos rêves
Assis sur un éléphant rose
Fier d'un écrit qu'il parachève
Poésie classique ou bien prose

Je t'offre cette fin pour ton écrit

Merci Sandipoete,

Dès que j'ai un moment de libre, je reprends mon texte en intégrant ta proposition mais patience, un peu surbookée cette fin d'année.

J'aime les poésies qui se rapportent à du vécu, une histoire, une anecdote, un hommage de monsieur " tout le monde", quelqu'un qui nous a marqué... c'est ce côté véridique qui donne de la profondeur à cet poème!

et merci pour ce partage, en grand curieux, j'apprécie...
Bien amicalement,

Je me permets Ithaque de poster ce texte dédié à une vieille dame qui passait sous mes fenêtres régulièrement.

La Centenaire

C’est la grand’Messe du mercredi matin :
Les mégères rempliront tout à l’heure
Leur cabas des potins de la semaine.

La fenêtre ouvre grand ses volets,
Les rideaux se lèvent haut pour la voir,
La bouilloire sonne claire,
Le pain tout doré s’habille de beurre
De confiture et de miel en son honneur.

Elle traîne à sa suite son chignon et son affreux caddi…
Au rebord de ma cuisine, elle souffle une minute.
Je la regarde… elle me regarde…
C’est comme ça qu’on se salue
Depuis si longtemps déjà.
Mes enfants se disputent une petite auto
Ou bien un lego.
Et le lait se répand en amabilité sur la gazinière…

Elle reviendra du marché avec un bouquet de poireaux
Trois pommes ou une barquette de fraises.
Ça fera bien sa semaine.
Quand on a cent ans, on ne mange plus guère.
…………..
Aujourd’hui c’est mercredi.
Les mégères font le plein de médisances,
Je leur fais bien confiance.
Mais ma fenêtre est close, la bouilloire se tait.
Mes enfants sont partis faire leur vie.
Même le lait reste tranquille au fond de la casserole…
Ce matin la petite vieille, je ne l’attends plus.
Elle a trépassé, elle a rejoint son petit vieux.
On se parlait juste avec les yeux.
Elle ne m’a jamais dit son nom.

Je te remercie beaucoup pour ta délicate attention.
J'aime vraiment ce poème qui est très touchant! Bravo!
Bien amicalement,