Le Cri du Lion (première partie)

Il était une fois un si festif endroit
Qu'on disait que "danser" en était la devise
Et que tout homme en ce pays s'avise
A s'amuser selon ce droit;
Qu'il était malhabile,
Morbide, maladroit
De déverser sa bile,
De se jeter des froids,
( Fréquents poisons de nos tisanes ! ) .

Ainsi, les princes et les rois,
Les reines, princesses et courtisanes,
Dés qu'ils étaient las d'un rival
Organisaient un carnaval
En gouverneurs du monde.
Un mer-ve-illeux diner ! La fête où seul s'émonde
L'estomac qui menace et menace qui gronde,
N'est pas loin de vomir
Au milieu de la ronde !

Si bien que même un dangereux émir,
Dont la force foudroie
Et l'arme fait frémir,
Ne pensait plus qu'à s'endormir,
Abandonner la proie
Quand il buvait son vin.

Le sage et le devin,
Le fou le moins lucide,
L'arme la plus acide,
La verité donnée ou le mensonge vain -
Et même dieu qui le décide,
Venaient parfois se reposer.
Jamais aucuns n'auraient osé
Au palais reprocher ses bienveillantes œuvres.
Et n'ayant pas pris garde au charmantes couleuvres
Dans les grands flacons noirs qu'on rêvait d'avaler
On s'empressait de boire. Au lieu de s'en aller...

Mais... quelles têtes vous me faites ?
Quoi, le chef ? ah... le chef !
Que dire, derechef,
Du chef ou de ses fêtes
-En n'ai-je un souvenir des plus défaites ?

N'ayez craintes prophètes !
Vous jouissez de la cour !
Malhonnete et fougueux des que l'ivresse accourt
Un casuiste* approuve -au fond de lui, rougeoie..
Nous approuvons sa mort car son trépas fut court !
C'est un beau jour qu'il chante et même en des cas... danse,
Cet homme boit ! -mais boite dés qu'il court !
Sur un vieux pieux de bois il commet l'imprudence...
On le bouscule ! On mord !... Il gît, ne bouge pas...

"condamnons de sa mort : sa grande impolitesse !
Bannissons-le céans de ce repas
Ainsi bénit de sa délicatesse
Et fidèle à l'élan de son malheureux pas."