Soleil heureux, où vous cachez-vous ? A la place de vos rires, vous avez
laissé un vide sur le quai d'un train qui s'éloigne. Votre absence se
fait grandement remarquer tant votre silence est assourdissant,
cela me vexe ! Une ironie, comme un poignard qui sourit et remue sa
lame invisible dans l'estomac, dans le cœur... Encore... Encore échoue
le rêve ? L'âme en deuil ? Le vague à l'âme qui gratte l'être,
assurément.
Une clope pour se consoler cinq minutes, la fuite pour s'anesthésier sans fin...
Nuits d'été ensoleillées par l'enfance, je vous salue pour m'avoir embrassé
avec vos lèvres couleur nostalgie. Par votre poésie j'ai très tôt
appris - douce erreur ? -, à aimer les choses tristes pour mieux les
supporter : du haut de mes trois pommes, la nuit, à travers mes
fenêtres, j'ai aimé regarder danser les ombres de gens trop loin pour
être rencontrés...
Désormais le soir, je fume des idées noires
avec un stylo qui fuit, je me prends les pieds dans mes lacets défaits
par mes sueurs froides... Dans ma chute je me rattrape à la table du
vase débordant de mes nausées du jour... Souillé et fatigué, je me
douche tout habillé sous une eau croupie par l'amertume d'une maison
qui n'a plus de fondations. Fissurée de toute part, elle s'enlise dans
les égouts de mon amnésie du soleil... Pourtant le froid me réchauffe :
dans le royaume du cœur l'hiver est un mal où l'on aime se complaire.
Sacrifier la tristesse n'est plus un devoir comme autrefois le service
de l'appelé et après tout quand l'âme du soldat est vide son baluchon
l'est aussi.
La clope pour se consoler cinq minutes, la fuite pour s'anesthésier sans fin, en vain...
Comme un cheval rougi par ses fers, il faut galoper la crinière enflammée par ses espoirs hurlants et flamboyants.
La route est incertaine car invisible, assurément longue car rocailleuse.
A présent les clopes que je fume en rêvant me chatouillent la poitrine ou
peut-être ne sont-ce que les mots qui me brûlent le cœur...
Les mots m'emplissent, je te les murmure pour être rempli de toi, inondé de ta joie...
Je crie pour que tu puisses souffrir ma voix qui te réveille.
Je crie pour que tu m'entendes quand le silence m'en-sommeille.
Mon esprit se vide et se ramollit comme une éponge sèche dans une mer de miel amer.
Les Danaïdes me noient joyeusement dans leur tonneau. C'est comme une
interminable et délicieuse corvée où je ris enfin en prenant l'eau.
Est-ce cela le courage : faire croire à tous que l'on vit alors que l'on agonise ?
La vie c'est essayer de ne pas la rater. Le reste est une excuse pour
l'étoffer quand on l'a trop rêvée... A force d'y penser, l'espoir est
désespérant, aussi dégoûtant qu'une béquille, le handicap de celui qui
respire juste assez de lumière pour ne voir que son ombre trop tôt
fatiguée, trop vite blasée, assurément désenchantée.
Quand l'espoir est trop lourd, c'est que l'on est devient misérable. L'oubli du bonheur est le seul dont on se souvient.
Les mains inspirées mais exaspérées sont aussi libres qu'elles sont
enfermées, folles à lier, empoisonnées par l'envie et le dégoût.
A la fin, elles attisent le feu de la dépression, le seul lit où l'on arrive à dormir. Pour combien de temps encore ?
Encore une clope pour se consoler cinq minutes, la fuite pour s'anesthésier enfin... Jusqu'au lever du jour.