Voila le premier poème que je vous propose, il date du printemps dernier et je l'ai nommé Sortilège.
Quelques gammes, un enchaînement de notes qui se suspendent à mon cœur.
A peine la mélodie se fait elle entendre que je suis comme envoûté.
Aisément troublé par ses belles tournures et son esprit enchanteur.
Si touchante qu’il ne subsiste nulles autres issues que de se laisser emporter.
Pendu aux lèvres de cette irrésistible demoiselle que l’on nomme Musique.
Quel est donc ce sortilège, ce prodige qui par quelque arpèges seulement.
Parvient de la sorte à effeuiller cette gangue de glace qui m’emprisonne.
Et mettre ainsi à nue toute la sensibilité qu’elle renferme en secret ?
Me changeant alors en ce petit garçon qui n’est déjà plus.
Si ce n’est au travers de quelques souvenirs confus, bientôt oubliés.
Mon imaginaire s’emballe alors, se perd dans l’immensité de mes songes.
Des mirages insaisissables, que je ne peux cependant m’empêcher de poursuivre.
Qui m’apparaissent tels des éclairs dans l’obscurité, en fulgurantes images par trop éphémères.
Cette chevelure rousse aux reflets si éclatants, qu’ils semblent occulter la lumière même du soleil.
Cette peau diaphane, si fine et délicate, que la plus pure porcelaine ne pourrait en rien égaler.
Ces lèvres exquises, si bien dessinées, si harmonieuses, tirant vers un doux rose séduisant.
Et ce regard, ces yeux d’une profondeur insondables, encadrés par des cils à l’allure majestueuse.
Un regard brillant d’intelligence, laissant entrevoir une infime portion d’Eden.
Toute résistance m’est alors futile, une fois le charme ainsi scellé sur mon cœur.
Et cependant tout cela disparaît en un bref instant, consumé par la flamme de la raison.
La mélodie touche à sa fin et l’envoûtement me quitte sans douceur aucune.
Me laissant tomber à genoux, écorché vif, après m’avoir fait découvrir la huitième merveille du monde.
Les dernières notes s’effondrent mais l’air vibre encore quelques instant.
Je crois entrevoir une mèche rousse et me retourne.
Désirant ardemment voir mon songe devenir réalité.
Las, il ne s’agit que de mon pâle reflet dans la glace.
Je n’y vois aucun charme, aucune once de la sensibilité qui s’épanouissait à l’instant.
Mon écrin glacé a repris sa place, enserrant mon cœur fermement.
Bridant mes émotions, préservant ma vie de sombres idées.
Je n’ai dans ma vie rencontrée que des déceptions.
Mes rêves, mes désirs, ne sont que de futiles illusions.
Des mirages à jamais insaisissable que je me refuse toutefois à abandonner.
Je me contente de les pourchasser, de les alimenter au point qu’ils relèvent du fantasme.
A défaut d’être heureux, je reste maître du royaume de mon esprit.
Avec pour uniques sujets des chimères, qui ne me reconnaissent aucune autorité.
Et cependant, alors qu’en cette heure tardive la raison me souffle de m’assoupir.
Je me retourne et d’une simple pression.
Fait à nouveau résonner les notes à l’infini, jusqu’à en perdre la tête.