Dans les bois enchanteurs qui bordaient sa maison
S’aventura, hardi, un petit polisson
Que sa grand-mère avait envoyé jouer dehors,
Lasse de tous ses tours qu’il lui faisait encore.
Il ne pouvait jamais bien longtemps être sage.
Nul rire ni douceur n’égayait son visage.
Elle l’avait pourtant recueilli avec soin
Lorsque sa mère fut partie dans le lointain.
Attiré par les fleurs aux multiples couleurs,
Ornement chatoyant d’un étrange sentier,
Il suivit, nonchalant, sans bien le remarquer,
Cette piste fleurie. Il arriva au cœur
Même de la forêt, découvrant une source
Où les grains de pollen semblaient faire la course
Quand ils tombaient dans l’eau, descendant la rivière.
Notre petit marmot se taisait au mystère
Qui flottait dans cet air, apaisant toute chose.
Et le chant des oiseaux semblait participer
A ce concert sylvain, à ce concert grandiose,
En ce lieu qui était le repaire de fées.
Une petite demoiselle tout en vert
Voletait doucement d’un frémissement d’ailes.
Coquine, elle dansait et ses voiles d’éther,
Tels des rubans de feu aux milliers d’étincelles,
Captivaient le regard de ce petit garçon.
Il voulut l’attraper, l’enfermer dans ses mains.
Il s’élança en l’air, d’un formidable bond,
Et captura la fée, serrant tant et si bien
Qu’il eut peur, un instant, de l’avoir écrasée.
Il jeta un coup d’œil, desserrant son emprise,
Mais au creux de ses mains il ne put rien trouver,
Quand soudain une voix provoqua sa surprise.
Cette petite voix, comme une mélodie,
Se mit à tournoyer tout autour de son être.
Dans ces accords soyeux, bientôt il entendit
Des phrases se former et de doux rires naître.
Ce qui lui fut conté ne peut être compris
Que par ceux dont le cœur est uni à l’esprit.
Il avait l’impression d’entendre par son cœur,
Battant à l’unisson de ce son mystérieux.
Le jeune enfant ému devant tant de splendeur
Se mit à regretter son acte malicieux.
Pour la première fois, il demanda pardon.
Par cet acte sincère, il ôta la prison
Qui avait retenu, de si longues années,
Les sentiments enfouis de son cœur endeuillé.
Comme des gouttes de rosée sur son visage,
Des larmes coulaient de ses yeux, et leurs sillages
Laissaient des trainées de lumière, illuminant
Le contour de sa bouche en sourire irradiant.
Les gouttes qui tombaient, en arrivant au sol,
Ricochaient sur la mousse et rejetaient en l’air
Leur précieux contenu : de magnifiques pierres
Aux multiples couleurs et parées d’iris folles.
Ces bijoux lumineux ne retouchaient pas terre,
Ils semblaient suspendus, retenus dans l’éther,
Car de petites fées accouraient par centaines
Pour recueillir l’offrande immolée de sa peine,
Puis paradaient gaiement, ornées de ces bijoux
Aussi grands que leur corps et plus jolis que tout.
La voix le remercia pour les nombreux trésors
Qu’il venait de verser par son doux repentir.
Les fées étaient émues par son terrible sort
Et voulaient exaucer son plus profond désir.
Le vœu qui le hantait était de voir sa mère
Qui, sans qu’il l’ait compris, l’avait abandonné.
La revoir un instant serait une lumière,
Un astre dans la nuit de son cœur apeuré.
Alors, toutes les fées se mirent à voler
Tout autour de son corps et, dans ce tourbillon,
Il monta vers les cieux, dépassant l’horizon,
Vers son plus grand espoir, vers l’être tant aimé.
Puis, tout à coup, une lumière l’aveugla,
Et sa mère apparut, radieuse de beauté.
Les ailes qu’elle avait lui firent deviner
Qu’elle était, maintenant, hôte de l’au-delà.
Et d’une douce voix, elle bénit l’enfant,
Puis se passant des mots, son esprit pénétrant
Fusionna un instant avec son tout petit,
Et d’un coup il comprit la beauté de la vie
Qui perdurait encore au-delà de la mort.
Maman l’aimait toujours et elle l’attendait
Dans ce beau paradis, qui récompenserait
Son âme après sa vie, s’il produisait l’effort
D’offrir autour de lui la bonté endormie
Qui régnait dans son cœur encore endolori.
Mais l’ultime leçon délivrée par sa mère
Venait de réveiller sa compassion sincère.
La lumière revint, les fées le ramenèrent
Pour qu’il puisse accomplir sa mission sur la Terre.
Quand il se réveilla, il sentait en son cœur
L’amour de sa maman, merveilleuse douceur.
Il regarda le ciel pour lui dire au revoir,
Les nuages chassés, le soleil lui sourit,
Dans cette sensation, doucement, il comprit
Que l’astre rayonnant nous apporte l’espoir.
Le soleil, en effet, d’un regard bienveillant,
Nous transmet son amour, sa sagesse et sa vie,
Et de même envers nous agirent nos parents,
Mais c’est pour chaque humain que le soleil reluit.
Nous sommes tous frères dans le regard de Dieu,
Délivrant ses bienfaits au travers du soleil.
Nous ne méritons pas de goûter ses merveilles,
Pourtant il fait crédit, nous souhaitant d’être heureux.
Nous remarquons toujours les manques qui s’égrènent
Sans nous apercevoir de ce que nous avons.
Finissons de nous plaindre, et ainsi remercions
Pour ces petits bonheurs, qui sont autant de graines
Qu’il nous appartient seuls de savoir cultiver.
Ainsi dans l’abondance, on pourrait partager
Cette félicité partout autour de soi,
Tout comme le soleil nous réchauffe ici-bas.
Ceci fut la leçon que reçut le garçon
En sachant écouter, empreint de compassion,
Les paroles sacrées de la sage nature
Qui, en une journée, l’avait rendu mature.
Ses petits poings serrés contenant autrefois
La rage de garder ce qui l’avait quitté,
En cet instant s’ouvraient, riches de cette foi
De ne point conserver car tout était donné.
Seuls les gens qui n’ont rien gardent les points fermés
Pour retenir le peu qu’ils ont su mériter.
Celui qui aime tout sans vouloir en user,
Ses mains contiennent tout, il ne peut les fermer.
Son cœur devenu pur, une fois nettoyé
Du terrible chagrin apporté par son deuil,
Etait riche des dons qu’on lui avait confiés.
Il se mit à rentrer et, arrivé au seuil
De cette forêt sainte, il jura à sa mère
De répandre ces dons, d’effacer la misère.
Plus jamais dans sa vie, il n’accomplit de mal.
Sa grand-mère, ravie, l’aida à devenir
Un homme vertueux qui combattait le mal.
Ainsi naquit un saint luttant pour l’avenir.
Voudriez-vous savoir qui a pu me conter
Cette belle légende aux sons si mélodieux ?
Vous l’avez deviné, oui, ce sont bien les fées !
Tout seul au fond des bois, regardez donc les cieux,
Si votre cœur est pur, vous recevrez la grâce
De sentir le divin et d’en être inspiré.
Ces muses enchantées vous laisseront la trace
Des dons que la nature a su nous préserver.