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Tu pourras alors alimenter cette rivière afin qu'elle devienne un fleuve prolifique de douceurs où tous, nous venons à notre tour, pour y tremper notre plume féconde.
Et cet affluent de pensées innombrables finit sa course magnifique dans un océan de lumières.
J'aime cet idée de partage.
Elle devrait régir le monde sans aucune faille.
Pour que nous regardions tous dans la même direction.
C'est pour cette raison que nous aimons tant la poésie... Et les poètes !...
Gérard SANDIFORT alias Sandipoete
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 Brocante aux chimères - Jean Ray

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Pascal9
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Pascal9

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Brocante aux chimères - Jean Ray Empty
MessageSujet: Brocante aux chimères - Jean Ray   Brocante aux chimères - Jean Ray EmptyDim 25 Nov 2007 - 22:29

La Brocante aux chimères



Le 21 septembre 2007.



Quel âge pouvait avoir mon mentor ? Difficile de se faire une opinion… La brume grisâtre s’enroulait en volutes paresseuses autour de nos manteaux… Nous longions une des courbes du fleuve non loin des Mill Wall Docks, mon guide pressait le pas, en proie à une anxiété grandissante.

- « Dépêchons-nous ! Le maître vous attend. »

Nous pénétrâmes plus avant dans Manchester Road contournant Glengall Road au-delà des sinistres boyaux de Whitechappel… Nous entendions comme une respiration sourde, la voix humide des eaux lourdes et glauques d’un cours d’eau qui semblait être la Tamise, sans l’être véritablement… Dans cet univers bizarre, tout était comme biaisé, j’évoluais dans une atmosphère singulière… Nous pouvions être tout aussi bien à Londres, Hambourg, Anvers ou Gand…

Nous arrivâmes enfin dans une tortueuse et infâme venelle. Sur un trottoir éventré se tenait accroupie une détestable boutique dont l’éclat verdâtre de l’étalage luisait comme un œil de poulpe…

La librairie sise singulièrement rue du Martinet portait un nom étrange :

« Au Fou de Bassan ». Me glissant à la suite de mon obscur compagnon dans l’antre équivoque, j’eus l’explication de cette enseigne ornithologique : cet ancien atelier de taxidermiste était resté dans son état initial, son actuel propriétaire s’était simplement contenté d’ajouter de longues étagères le long des murs où trônaient déjà d’innombrables animaux, créatures ayant pactisé leur immortalité au prix d’un immobilisme funèbre…

Sur les planches encombrées s’entassaient de vénérables reliures. Le Grillon du foyer, La Petite Dorritt et tous les trésors de monsieur Charles Dickens côtoyaient les terribles récits de monsieur Poe. Dans une armoire vitrée bâtie d’un bois sombre et odorant, progéniture maudite d’une redoutable jungle de Bornéo, guettaient les ouvrages interdits :

L’Heptaméron où dort Maguth le redoutable, le formulaire de magie noire de Zacharius Zentl, le Grimoire de Wickstead, les hermétiques Clavicules de Salomon et le très redouté Grimoire Stein.
Paradoxalement, l’homme qui se dressait derrière le comptoir surchargé d’ouvrages possédait un air apaisant. Grand, large et bien découplé, ses cheveux drus étaient d’une blancheur de neige, bien que très âgé, il conservait cet air énergique que je lui avais toujours connu. Notre première rencontre datait de mon enfance à jamais disparue, sous la tente improvisée de mes draps de lit, dans une campagne de vacances peuplée de cris de chouettes et de glapissements nocturnes, à la lueur vacillante d’une lampe de poche, je l’avais accompagné des étés entiers dans ses innombrables et fantastiques aventures.

« Tom, avancez un siège à notre ami le chaland, il semble transi, approchez-vous du poêle, nous allons nous réchauffer avec un bon toddy au genièvre[1]… »

Je dévisageais mon interlocuteur, malgré les années, les traits étaient semblables à mes souvenirs…

« Monsieur Dickson ! »

Il me coupa avec un sourire…

« Non, mon cher chaland, pour tout le monde, je suis devenu le libraire, mes aventures sont terminées, ne restent plus que les fascicules jaunis de ces mystères à jamais résolus, bien que… Et ce cher Tom Wills s’acquitte ma foi, fort bien de son rôle de commis … »

Il alluma une courte pipe bourrée d’odorant Cavendish et m’invita à en faire de même, la chaleur du grog irradiait mes membres gourds, et la fumée des pipes dissolvait dans des vapeurs bleutées l’oppressante ambiance du début…

« Je vous ai demandé de passer mon cher chaland afin de vous confier une œuvre que l’on croit à jamais amputée, la première édition a été publiée pendant la dernière guerre, l’auteur dit avoir perdu ou brûlé une centaine de pages, mais vous ne le connaissez que trop bien, sa propre vie est devenue une légende, et bien qu’il soit mon créateur, je ne suis pas certain de tout, S’appelait-il Raymond Marie De Kremer ou Jean Ray à moins que ce ne fut John Flanders ?

Fut-il contrebandier sur la rum-row[2], marin ? A-t-il fait de la prison ? Qu’importe ! Après tout, seul son génie fantastique demeure. Et je ne suis même pas absolument sûr qu’il soit mort… Des êtres aussi fantastiques, sont-ils seulement mortels ? »

A la vue du manuscrit, je me mis à trembler, ainsi la version initiale de Malpertuis existait… C’était inespéré ! Bien que très échauffé par cette proposition, j’étais en proie à un doute, où étais-je exactement ? J’avais cru reconnaître Londres ou une autre mégalopole européenne, mais je n’en étais pas certain, je me décidais donc à poser la question fatidique à mon énigmatique interlocuteur.

« Vous êtes dans l’autre monde, de l’autre côté du miroir. Comme votre père, jadis… Vous étiez déjà allé aux frontières de ce monde parallèle, mais sans jamais en franchir la ligne jusqu’à aujourd’hui, Jean Ray vous a fait traverser la grille, rappelez-vous les paroles du regretté Alain Doremieux : « Il vous plonge dans une nuit peuplée de monstres inédits où toutes les terreurs peuvent arriver, où l’impossible est possible, où le cauchemar vous guette à chaque détour comme les apparitions dans les « trains fantômes» des foires. C’est hallucinant, irresponsable ; on en émerge comme d’une plongée dans un bain de souffre… Bref, c’est magnifique. » Tout est dit… »

« Pensez-vous, cher détective, qu’il soit réellement disparu ? »

« Je vous l’ai dit, je ne peux me prononcer sur ce sujet, j’ai hérité de ses livres où l’on évoque les anciens dieux d’un monde plus qu’antique… Un monde où dieux et diable se confondaient intimement… Jean Ray disait lui-même : « les dieux naissent, les dieux existent ou ont existé. Ils naissent des hommes. Ils ont par conséquent la vie des hommes, ils meurent comme les hommes. Comme ils vivent de croyance en eux ; aussi longtemps qu’on croira en eux, ils vivront … Le démon est un esprit fraternel. Dans la Bible, il apparaît. Pourquoi sous la forme du serpent ? Enfin… Il veut donner la science aux hommes. Ensuite, dans la mythologie, il apparaît sous la forme de Prométhée qui leur apporte le feu. Il a tellement pitié des hommes qui ont froid que pour eux il vole le feu. Ensuite, le démon, ou l’ange méditatif, c’est au Moyen Age qu’on lui fait une mauvaise réputation ! Surtout pour lui mettre à dos des crimes ou des méfaits commis par les hommes. Mais c’est plutôt une forme ou une force quasi-fraternelle… » (Jean Ray parle, Jacques Van Herpe) L’enfer est dans votre monde mon cher chaland, dans votre monde… Jean Ray était en quelque sorte un taxidermiste, en faisant revenir à la vie ce qui n’existe plus, monstre, goules, démons du passé, il détruit le miroir qui sépare la mort de la vie et nous montre une facette obscure des hommes… »

La rue était plongée dans la plus opaque des obscurités, Dickson me tendait maintenant un paquet ordinaire grossièrement ficelé… En me fixant au plus profond de mon être il me fit cette recommandation

« Méfiez-vous des apparences, cher chaland, votre univers est impitoyable, car les monstres y ont un visage des plus ordinaire, il n’en sont pas moins dangereux… Méfiez-vous des fenêtres éclairées dans l’obscurité rappelez-vous la phrase des Derniers contes de Canterbury à la page 133 « Une fenêtre dans la nuit est une épouvante. J’ai connu des gens qui devinrent fous rien que pour avoir attendu l’être de cauchemar, surgi des ténèbres, qui collerait sa mortelle face aux carreaux » »

Au même instant, sur le trottoir d’en face, une maison s’éclaira ! Dickson dans un bon se rua vers le volet…

« Ne regardez pas, malheureux !! »

Mais, trop tard, effet du toddy au genièvre ou du discours fascinant, je perdis connaissance sur une vision d’épouvante…
*


La soirée est fraîche et humide, je m’éveille courbaturé par la roide banquette de cuir de ce Pub désert à cette heure tardive. Le patron me dévisage d’un air goguenard…

« Et bien Gov’nor ! Ma foi, je pense que vous avez fêté la kermesse de fort belle manière! Un café, pour vous remettre ? »

D’un geste, je refuse son offre généreuse, je suis hagard, je demande d’une voix pâteuse où je me trouve…

« Mais dans la bonne ville de Gand, mon ami, la reine des Flandres… »

Je me rue dans la ruelle pentue à la recherche de mon précieux paquet, mais je ne retrouve rien… D’un œil ébahi, je regarde le nom de la voie,

Rue du Martinet… Alors, à l’instar du héros Jean-Jacques Grandsire, je lève la tête et je comprends que Jean Ray m’a joué un dernier tour

« Soudain je m’arrêtai en poussant un cri étouffé.

-Là… Là…

Nous étions devant Malpertuis.

La maison (…) se dressait dans la nuit, énorme et noire comme une montagne. Ses volets étaient clos comme les paupières des morts et le porche avait des profondeurs sinistres de gouffre (Malpertuis, Jean Ray, p.129) »

Si je veux récupérer le manuscrit, il va me falloir pénétrer dans l’énorme maison du haut de la rue, et franchir de nouveau la frontière du miroir… Et surtout, surtout, ne plus regarder par la fenêtre…

Pascal DUFRENOY, éternel chaland de la Brocante aux chimères.

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Brocante aux chimères - Jean Ray
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