Oui, venez sur mes bras, petites colombes de fer ;
petites colombes de fer, et sur mon ventre nu.
Quelle douleur de perçantes caresses.
Oui, venez mordre mon sang,
sur ce cœur, sur ces jambes, sur ma joue ardente.
Venez : l'âme déjà vous reçoit sur les lèvres.
Oui, pour que vous ayez un nid de chair
avec des graines d'os transis.
Pour que vous enfonciez votre bec rouge
dans le plein faisceau de mes muscles.
Oui, venez sur mes yeux, qu'ils puissent voir la lumière,
sur mes mains, qu'elles touchent une forme impérissable,
sur mes oreilles, qu'elles s'ouvrent aux musiques aériennes,
sur ma bouche, qu'elle goûte les douceurs infinies,
sur mon nez, pour le parfum des roses éternelles.
Venez, oui, durs anges de feu,
petits chérubins aux ailes rigides.
Oui, venez rompre mes amarres
pour me lancer dans ce voyage sans rivages.
Ah ! quel heureux acier, quel pieux martyre.
Ah ! pointe de corail, aigle, lis
aux vibrants pétales. Oui. Flèches,
voici mon cœur si plein de flammes,
mon pouls de désir, mes tempes livrées.
Venez, voici mon front encore
vierge de métal pour votre caresse.
Ah ! quelle rivière d'aiguilles tièdes et célestes !...
Quelles neiges pour mon esprit éblouissantes !...
Venez ! Rien qu'une seule d'entre vous, colombes,
pour qu'elle niche en ma poitrine
et me traverse l'âme de ses ailes !...
Seigneur, me voici, sur un flot de flèches !...
Une seule encore et je vais dormir.
Cette lente mort, la peau en lambeaux,
comme elle écarte la douleur ! Déjà je sens à peine
le bec de ces vautours... Seigneur,
comme il est proche l'instant de te contempler !...
Je vais te regarder avec des yeux qui ont vaincu les flèches,
et entendre ta voix avec des oreilles éternelles,
et sous le parfum de tes roses, rester comme en extase,
et toucher de mes mains qui ont nourri ces farouches colombes,
et goûter tes douceurs avec les lèvres de mon âme !...
Me voici, Seigneur. Ah ! quel songe de soleils,
et quel chemin d'étoiles dans mon songe...
Mais je sais que surgit ma dernière colombe...
Tout est fini, Seigneur, déjà je te l'apporte
plantée au creux de mes entrailles.
MARTIRIO DE SAN SEBASTIÁN
Sí, venid a mis brazos, palomitas de hierro ;
palomitas de hierro, a mi vientre desnudo.
Qué dolor de caricias agudas.
Sí, venid a morderme la sangre,
a este pecho, a estas piernas, a la ardiente mejilla.
Venid, que ya os recibe el alma entre los labios.
Sí, para que tengáis nido de carne,
y semillas de huesos ateridos.
Para que hundáis el pico rojo
en la haz de mis músculos.
Venid a mis ojos, que puedan ver la luz,
a mis manos, que toquen forma imperecedera
a mis oídos, que se abran a las aéreas músicas,
a mi boca, que guste las mieles infinitas,
a mi nariz, para el perfume de las eternas rosas.
Venid, sí, duros ángeles de fuego,
pequeños querubines de alas tensas.
Sí, venid, a soltarme las amarras
para lanzarme al viaje sin orillas.
Ay ! qué acero feliz, qué piadoso martirio.
Ay ! punta de coral, águila, lirio
de estremecidos pétalos. Sí. Tengo
para vosotras, flechas, el corazón ardiente,
pulso de anhelo, sienes indefensas.
Venid, que está mi frente
ya limpia de metal para vuestras caricia.
Ya, qué río de tibias agujas celestiales !...
Qué nieves me deslumbran el espíritu !...
Venid ! Una tan sólo de vosotras, palomas,
para que anide dentro de mi pecho
y me atraviese el alma con sus alas !...
Señor, ya voy, por cauce de saetas !...
Sólo una más y quedaré dormido.
Este largo morir despedazado
cómo me ausenta del dolor. Ya apenas
el pico de estos buitres me lo siento...
Qué poco falta ya, Señor, para mirarte !...
y miraré con ojos que vencieron las flechas,
y escucharé tu voz con oídos eternos,
y al olor de tus rosas me estaré como en éxtasis,
y tocaré con manos que nutrieron estas fieras palomas,
y gustaré tus mieles con los labios del alma !...
Ya voy, Señor. Ay ! qué sueño de soles,
qué camino de estrellas en mi sueño...
Ya sé que llega mi última paloma...
Ay ! Ya está bien, Señor, que te la llevo
hundida en un rincón de las entrañas.
Eugenio Florit (1903-1999), poète cubain. Poème extrait du recueil intitulé Double accent (1937) et traduit de l'espagnol par Claude Couffon.