Le Poison

Regarde-le, regarde-le pleurer tout bas

Et souviens-toi toujours qu’on ne doit pas pleurer

Pour n’importe quels maux pour n’importe quelles joies

Sur un fond de plaisir on se fait mal au cœur

Sur un air de païens on jette quelques fleurs



Regarde-le, regarde-le après ce crime

Lui que se disait noble lui qui se disait libre

A perdu sa noblesse et condamné son cœur

Aux tourments des remords et au marchand de sable

Quand le bonheur s’endort sous ses mains misérables



Regarde-le, regarde-le bien maintenant

Qu’il a tout à refaire même sa volonté

Qu’il a tout à guérir même sa dignité

Un peu comme un enfant qu’on aurait pardonné

Si tout n’est pas perdu rien n’est encore gagné



Regarde-le, regarde-le pleurer tout bas

Et souviens-toi toujours qu’on ne doit rêver

A n’importe quels prix pour des paris faciles

« Je défie le désir de me prendre mon âme »

Et la tendresse s’en va sous son regard infâme



Regarde-le, regarde-le fermer les yeux

Entre l’humiliation et la peur d’être vieux

Sans avoir balayé la honte et l’obsession

Sans avoir oublié qu’il a sali  son nom

Et brûlé ses entrailles à goûter le poison…

Bonjour, 
C'est très beau et énigmatique. 
Je me demande quel est ce poison,
Mais ne le dis pas...

Merci Bruine,

Je garderai donc le mystère...

J'adore l'attaque de tes strophes, ce "Regarde-le, regarde-le" est très poignant et ton dernier vers clôt avec la puissance nécessaire les appels lancés pendant tout le poème. J'aime beaucoup !

Ton poème me rappelle celui de MARCELINE DESBORDES-VALMORE (1786-1859)
Il commence ainsi :

Regarde-le, mais pas longtemps :
Un regard suffira, sois sûre,
Pour lui pardonner la blessure
Qui fit languir mes doux printemps.
Regarde-le, mais pas longtemps !

Ah, non ! sandipoete, tu nous dois le poème en entier !

Vous êtes terribles...
Je vais voir dans mes archives, parce que mon pauvre esprit est trop fatigué...

Chic !
Ses œuvres sont en parution chez http://poesie.webnet.fr/
Voici donc ce poème en entier

Regarde-le

Regarde-le, mais pas longtemps :
Un regard suffira, sois sûre,
Pour lui pardonner la blessure
Qui fit languir mes doux printemps.
Regarde-le, mais pas longtemps !

S'il parle, écoute un peu sa voix :
Je ne veux pas trop t'y contraindre ;
Je sais combien elle est à craindre,
Ne l'entendît-on qu'une fois :
S'il parle, écoute un peu sa voix !

Tais-toi, s'il demande à me voir.
J'ai pu fuir sa volage ivresse ;
Mais me cacher à sa tendresse,
Dieu n'en donne pas le pouvoir :
Tais-toi, s'il demande à me voir !

Si je l'accusais devant toi,
Appelle un moment son image ;
Avec le feu de son langage,
Défends-le par pitié pour moi,
Si je l'accusais devant toi !

Vous pouvez même la retrouver sur wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marceline_Desbordes-Valmore

Merci beaucoup, sandipoete ! J'ai adoré ce poème de Madame Desbordes-Valmore. Merci de nous la faire connaître ! Cela fait plaisir de lire un poème si ancien et si moderne à la fois !