Un signe de mon père

A l'écart du village
Dans un carré bien sage
Perdu dans les champs de betteraves
J'allais d'un air grave
Deux grosses touffes de chrysanthèmes
Sur les bras et dans la tête un poème.

Je poussai du pied la grille grinçante
De la nécropole que personne ne fréquente
Elle est à la fin bout du pays
Les pécores ont bien d'autres soucis
Que de régaler les morts de fleurs.

Sur la dernière demeure
De mon paternel endormi
J'y déposai tout mon fourbi.
Trainant un broc d'émail écaillé
Perlant d'eau le gravier
Je m'entendis dire tout bas :
" Et si on arrosait ça !
Mon enfant
ça remonte bien à dix ans
Ta dernière visite "
J'hésitai déconfite...
Pas sur les années,
Le vieux a toujours su bien compté !
Était-ce un coquin ou bien ma conscience
Qui me plombait l'ambiance ?

"On ne se fait pas l'accolade
Mais buvons un coup à la régalade."
Sur mes escarpins gouttait une liqueur violacée
Que du doigt je ramassai
" Ne sois pas sotte
Je n'ai jamais bu de flotte.
Il vient tout dret des vignes du seigneur"

La chapelle chantait seize heures
Quand je quittai la pierre.
Le soir tombait sur le cimetière
On s'était tout dit
On avait bien ri
Je lui avais apporté des chrysanthèmes
Pas pour dire que je l'aime mais tout de même.


23 octobre 2010

J'aime bien le style et l'histoire... si seulement il avait été enterré au Père Lachaise tu aurais pu t'asseoir lol...
J'aime bien aussi la chapelle qui sonne seize heures... c'est drôle comme des mots tout simples peuvent faire passer des images.
Bravo à toi.