Pour l'introduction à cette Bucolique, je vous invite à voir le sommaire de mon grimoire, j'y ai mis quelques indications.
Mélibée
Toi, Tityre, allongé et loin de toutes peurs,
Tu prépare un bel air pour une âme endormie
Tandis que nous quittons les champs doux à nos cœurs,
Que nous abandonnons notre tendre patrie.
Sur le dos étendu, aux forêts tu apprend
A faire résonner le sujet de ton chant :
La belle Amaryllis, cachée dans le feuillage,
Avec joie ouïra celui qui, sous l'ombrage,
Sur sa flûte enchantée se dira son amant.
Tityre
Ô Mélibée, un dieu est à la source même
Des loisirs que voici ! L'autel ensanglanté
Recevra à nouveau un agneau tendre et blême
De mon étable issu, et la tranquillité
Enfin s'installera près de l'eau purifiée
Qui s'écoule à mes pieds, au bonheur mitigée.
Grâce à lui, tu le vois, je joue ce que je veux,
Et ma flûte se plie aux accents de mes vœux ;
A jamais il sera mon étoile louée.
Mélibée
Non, je ne suis jaloux, mais devant tant de paix,
Alors que règne ailleurs désordre et infamie,
Je suis plutôt surpris ! Moi, pliant sous le faix,
Je vais, l'âme rongée par une maladie,
Conduisant mon troupeau avec peine en avant,
Et une des chèvres a délaissé, ayant
Enfanté deux chevreaux, sur cette roche nue
Les espoirs du troupeau ! A qui donc, en priant,
T'adresse-tu ? Qui est cette étoile attendue ?
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Voici ma traduction littérale des vers latins de Virgile :
Mélibée : Tityre, toi étendu sur le dos sous le feuillage d'un hêtre d'envergure, tu prépare un doux chant sylvestre au moyen d'une mince flûte pastorale ; nous, nous abandonnons les frontières de notre patrie et les champs doux à nos cœurs ; nous quittons notre patrie ; toi, Tityre, tranquille sous l'ombrage, tu enseigne aux forêts à faire résonner le nom de la belle Amaryllis.
Tityre : O Mélibée, un dieu a fait pour nous ces loisirs (tranquillité) : et en effet celui-ci sera toujours pour moi un dieu ; souvent un tendre agneau de nos étables ensanglantera l'autel de celui-ci. Celui-ci a permit que mes bœufs aillent où bon leur semble, comme tu le vois, et que moi-même je joue les airs que je voudrais au moyen d'une flûte champêtre.
Mélibée : Non, sans doute, je ne suis pas jaloux, mais je suis plutôt surpris : partout, dans toutes les campagnes, règne un tel désordre ! Vois que, moi-même l'âme malade, mène en avant mes chèvres ; ici, dans des noisetiers feuillus, récemment elle a abandonné deux petits, espoirs du troupeau, ah ! sur le rocher nu ayant mit bas. Je me souviens que des chênes touchés par la foudre du ciel prédisent pour nous souvent ce malheur, si mon esprit n'avait pas été aveugle. Mais au fait, ton dieu, dis-nous qui il est, Tityre.
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Je vous propose à présent de découvrir ces quelques traductions versifiées :
Clément Marot
Toi, Tityrus, gisant dessous l'ormeau
Large et épais, d'un petit chalumeau
Chantes Chansons rustiques et beaux chants :
Et nous laissons (malgré nous) les doux champs,
Et nos pays. Toi oisif en l'ombrage
Fais résonner les forêts, qui font rage
De rechanter après ta chalemelle :
La tienne amie Amaryllis la belle.
Victor Hugo
Couché sous cet ormeau, tu redis, cher Tityre,
Les airs mélodieux que ta flûte soupire ;
Et nous, d'un sort cruel jouets trop malheureux !
Nous fuyons… nous quittons les champs de nos aïeux ;
Tandis qu'à ces forêts ta voix douce et tranquille
Fait répéter le nom de la douce Amarylle.
Pierre-François Thissot
Tu reposes, Tityre, à l'abri de ce hêtre,
Et ta flûte légère essaie un air champêtre ;
Nous, hélas ! nous quittons ces bords délicieux,
Les confins du pays où vivaient nos aïeux ;
Nous fuyons la patrie ; et seul exempt d'orage,
Le nonchalant Tityre, étendu sous l'ombrage
Apprend à nos forêts le nom d'Amaryllis.
Paul Valéry
Ô Tityre, tandis qu'à l'aise sous le hêtre,
Tu cherches sur ta flûte un petit air champêtre,
Nous, nous abandonnons le doux terroir natal,
Nous fuyons la patrie, et toi, tranquille à l'ombre,
Tu fais chanter au bois le nom d'Amaryllis.