Du temps et des espaces

Du temps et des espaces

J’aspire au sommeil.
Je n’ai rien à prouver ni tenter ce soir.
Je suis déchargé de chacun de mes devoirs.
C’est dans ma propre ombre que je me tiens,
Tranquille et sobre, serein.

Aussi esseulé que je l’aurais voulu à l’éveil de ma vue.
Mais je ne dors pas, je n’y songe même plus.
Il se trouve qu’une idée martèle mes pensées.
Et si, lorsque mon corps se sera abandonné, que mes deux yeux seront fermés,
Si, quand les songes se seront emparés de mon esprit et me feront dériver,
Je me trouve incapable de me réveiller?

Non pas que la mort ne m’ait jamais effrayé.
J’ai encore l’usufruit de ma jeunesse et de ma santé.
Mais j’ai incorporé le doute, avec lequel viennent les angoisses puis les peurs.
Est-ce prémonitoire? Sentirais-je frapper les derniers tambours essoufflés de mon cœur?
Ou ne suis-je que détourné de mes réels reflets par cette habituelle paranoïa imbécile?
Un choix doit se faire. Dans quelques heures, rester crampé à l’éveil me sera trop difficile.

Je vais attendre sans lutter ni guerroyer. Attendre que fatalité se fasse.
Mais pour tromper l’ennui avant que le sommeil ne me terrasse
Je vais tendre le bras, et sur ce dernier graver cet instant en prose.
Mon corps aspire au sommeil, mon esprit à la névrose