(nota en passant; j'ai passé, entre l'idée, l'écriture et les perfectionnements, environ un mois sur ce long poème. Il est obscur, et non sans ambiguïtés qui ne sont pas innocentes; la métaphore devient une énigme. Mais dites-moi si cela vous plaît, si vous avez le temps de le lire jusqu'au bout, car il est vrai que 80 vers par réellement passionnants ennuieraient n'importe qui...)
Cités rancies
Sang des pylônes
Jean
Jehan car il ronfle souffle beaucoup
Jehan se prépare à partir dans la montagne
Jehan prend avec lui quatre fers à repasser qu'il a préparés
Il monte guilleret dans la voiture
On conduit pour lui
Courbés roseaux des autoroutes filent par-ci
Tirent les fausses montagnes, peintes sur le dé-
Cor et sombres chemins qui montent aux montagnes
Voiture noire cris de la nuit buis chucho-
Tant phares béants cherchant fouillant et suant
Comme des projecteurs les forêts de bouquets
Poids-lourds hurlant sur les tournants en se penchant
Dedans fugace paon de nuit soyeux tordu
Dans es flancs flous fuyants édredons laineux des
Troncs Jehan clébard à la vitre yeux creusés
Allongé bave des papiers pleins d'écritures
Baveuses
Stoppe net l'auto lui long comme un fil lancé en vol plané
Cités rancies
Sang des pylônes
Idées noircies
Vases de lônes (nota; mot lyonnais, désigne un bras mort d'un fleuve)
Vallée filante étroite effilée de sa douce forêt
Jehan nu sous son vert voile écossais
Torse humide et élimé souche de mousse verte
Ouvre une trouée entre les jambes des houx
Jehan va sublimer sa vie
Il discute adieu avec Alexis
Le bigre bigleux torpilleur de l'esprit
Le briseur libre, nageant aisément grand paon de nuit
Sachant se sustenter des mailles belles pourries
Sachant tout effrayer de ses yeux subits
Environ sûr Jehan semblait de bien l'apprécier
Jehan en montée sur le dos quatre fers à repasser
Descend vers le torrent vaporeux soufflant couleuvre de vent
Jehan étiolant ses réseaux de bronches jaunes
Sent croître en son ventre un enfant fécond perfide lettré l'étouffant
L'offrant en toussant en passant à une belle du Troène
Forte anguleuse et noueuse et planant dans le vert putrescent
Insufflante de chuchotements gris papillon noir iridescent
Troène saisissant son vent valsant sublimement
Et comme Jehan tronc gorgé de sang, nue sous son écorce d’Écosse
Forme d'odorant girofle ciment fluide
Jehan la salue très bassement
Alexis paon de nuit furète vers Saturne
Belle du Troène parachève sa vie
Jehan reprend
Le doux métallique des fers aiguisés sur sa cage thoracique
Presque percée par pincements écorchures et déchirures
Il sent couler de l'eau rouge des trous de sa peau, cousue
Comme un grand soufflet d'orgue
Crache toujours des papiers racornis décomposés pleins d'écritures
Grouillants de larves brunes de Chrysopes dévorantes
Grouillants de bronches respirantes et de sang
Engrais des Taons
Idées noircies
Vases de lônes
Il glisse dans la terre humide
Là juste voilà matelas de mousses blanches
Seul Jehan dans son beurre meuble
S'allongeant avec le spectre de Troène
S’enivrant du souvenir d'Alexis le Saturnide
Dans chacune de ses quatre mains
Un fer lourd l'enroule dans le trou des mousses
Se perd vers la terre vers la mer du Néant
Se perd vers la mer du Vivant
Se perd vers le sens de l'Insignifiant
Dévidant redisant détruisant redressant
Jehan mangé par les mousses miraculeuses
Tête dans une alcôve de racines
Jehan fondu dans les vases s'enterre dans le courant
Jehan mangé des mouches luisantes
Jehan engrais du perpétuel recommencement
Hume l'humus
Poumons remplis de plantes
Cités rancies
Sang des pylônes
Idées noircies
Vases de lônes