Bleue azurée, sans marcher, ni courir, elle se déplace ondulante dans un déhanchement à faire trembler de jalousie la plus virtuose des vahinés. Au moment ou le crépuscule jette son dernier rayon ; elle embrasse le ciel après l'avoir rejoint dans le firmament ; au bout duquel ;en amoureux épris l'un de l'autre. Elle cherche l'intimité d'une alcôve troposphérique imprenable et secrète dont le murs invisibles ; capitonnés d'altocumulus floconneux et denses auréolés d'une couronne lumineuse ; procurent une isolation feutrée et à toute épreuve. Pour à la fois ; dans leur communion totale et parfaite ; se préserver des regards inquisiteurs et s'entretenir dans un conciliabule sibyllin et coloré.
Verte eau, coquette et aguichante, au corps galbé et inimitable, pailleté de perles scintillantes dont la réverbération aveuglante dissuaderait le plus téméraire des flibustiers, qui dans ses heures de marée ou de séduction ; roule et s'avance ; puis se démonte et se retire langoureusement ; un va et vient inlassable et continu pour enfin s'allonger sur les sables blancs des tropiques encore vierges et solliciter l'étreinte du continent. Celui-ci n'ayant pu jamais repousser ses assauts répétés, ni assouvir ses instincts inextinguibles, s’était finalement craquelé en cinq mondes, partis chacun de son coté, à la dérive depuis la nuit des temps.
Mais, il lui arrive parfois de se sentir orgueilleuse et vertueuse à en devenir érubescent. Eau rouge, sentirait-elle la colère monter en elle? comme le diable envoûte les êtres, de n'avoir pas trouvé de port d'attache fidèle, généreux et bienveillant lui laissant toute latitude de l'inonder de son amour salin qui ne peut jamais être désaltéré envahissant et érosif à émietter un sédiment rocheux en détritus ?
Courroucée à l'idée de ne rencontrer, dans sa vague errante, que des falaises hautes et abruptes, au faciès hideux et vérolé qui l'accueillent à leurs pieds comme une soubrette ?
Irritée par la présence de reliefs difformes et épineux qui hérissent son dos, usant de leurs sommets ouverts et crachoteux pour y déverser leurs scories avilissantes et la gangue de lave bouillonnante qui la brûlent jusques dans ses abysses ?
Ou alors, confuse d'avoir obtenu le sacre d'une grande reine, ployée sous le poids de parures érythréennes, de ceintures serties de pierres coralliaires exhaussés à mème le plan d'eau, de colliers d'actiniaires enchâssés dans ses profondeurs tous déposés dans son lit rocheux qui sert de substratum à leur vie, en guise d'oboles qui n'ont de cesse afflué, laissant transparaître, par modestie, leur seul éclat à la surface.
Plus encore, ces longs jours et nuits ou les éléments naturels ont manifestement, dans leur fête détonante, ayant veillé à sa naissance, elle leur accorda un blanc-seing:permettre à des milliers d'espèces et de formes de sujets de vivre dans sa matrice en s'y nourrissant et se perpétuant.
Alors que son histoire disait d'elle hospitalière et avenante, la voilà d'un sang d'encre, elle est triste. L'eau noire, âme endeuillée, est sujette à des roulis impétueux et des spasmes intempestifs qui la déchirent, la torturent, lui arrachant des larmes déferlantes; pareilles à des tentacules géantes qui semblaient implorer ce mème ciel dont elle s'était enamourée auparavant.
Pourquoi donc cette affliction subite ? Le vent, importun et envieux, hélas !s'en était mêlé en entonnant des sonorités sifflantes, sommatives à l'adresse du ciel qu'il cesse son idylle, sans succès. La brise souffla davantage sur la mer, la chassant vers les cotes le jour, la ramenant dans ses couches pendant la nuit, giflant les crêtes de ses vagues, puis les creusant pour les soulever au plus haut point et, dans un dernier geste les lâcher en une cascade tuante qui les traînera vers les littoraux pour y mourir. Le ciel perdit sa sérénité, son teint se transforma en bleu gris violacé, se chargea d'électricité et zébra son espace d'éclairs dans tous les sens, s’ensuivit un roulement prolongé, inégal et effroyable.
Quelques rares oiseaux, braves et malheureux, piaillaient à tue-tête, tournoyaient dans tous les sens et sans but, ne sachant quel courant aérien prendre. La mer était dans tous états, houleuse et tourmenté; elle avait mal.Les forces physiques restaient sourdes à ses imprécations.
Cette saga tragique, forte et tonitruante dans toutes ses scènes verra son épilogue joué par la Terre. Son silence autant que sa pondération, sa révolution impassible et lente autant que sa vivacité, avaient; à dessein; divergé les vents depuis le début jusqu'à éliminer les effets de la dépression. L'éclaircie apparaissait dans le ciel suite au départ presque furtif des nuages qui désertèrent leur lieu de pacage. L'agitation de la mer s'atténuait progressivement malgré quelques lames rebelles, ses ondes marines reprirent leur nage synchronisée avec ce semblant de gambader propre aux faons dans la clairière.
Ainsi, la Nature nous gratifia d'un spectacle en plusieurs tableaux, qui n'en est qu'un, retraçant une de ses nombreuses épopée avec un art consommé de la comédie, dans ses répliques, ses rebondissements, un scénario nullement répertorié, des acteurs aguerris et consacrés par l'éternité. Du choix des couleurs, des costumes modelés pour toutes les saisons et les équinoxes, qui ne sont d'aucune école artistique et échappent à toute tendance. La Nature est art, elle est son propre maître.
17/05/2004
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