Hommage à Baudelaire

I - Eden

D'autrefois isolée subsiste une utopie,
Là où l'onde est saphir, soleil et blés sont d'or.
La sieste est l'envolée du flaneur qui s'endort
Cajolé de zéphyr, un nid de merle épie.

Seul refuge au banni de sa mémoire impie;
Au détour d'une sente, en tient le corridor
D'une attente oppressante, un rapace, un condor
Qui sévit et punit les rêveries croupies.

Mais sous une charrue oubliée près des foins
Une ombre est apparue se terrant dans un coin.

Les arbres perdirent leurs feuilles une à une
L'air devenait pesant et les oiseaux tombaient;
Les fleurs se flétrirent encombrant les lagunes,
La mélasse faisant, la faune s'embourbait.

II - Le mausolée des rêves

Par delà les grilles grinçantes, une masure,
Noircissante de pourriture, pare un marais
Telle une auge dans la soue sans aucun gorêt;
Rien que des troncs morts habitent cette gravure.

La pénombre enveloppante empeste d'ordures
Et par dessous les nuages sur la forêt,
S'abat en lamentation de sang et regret
De l'unique astre lumineux, une glairure.

Paysage verdâtre aux coulures bordeaux
Aspire vers lui les secrets et les fardeaux

Sous lesquels décombres cachent une orchidée,
Frêle et chétive, prennant ses racines du mal.
Pourquoi est ce ce tableau si paradoxal ?
Je ne sais, j'en ai toujours la drôle d'idée.

Tout poète lyrique, en vertu de sa nature, opère fatalement un retour vers l’Eden perdu.
L’Art romantique (1852), XXII, 7
Citations de Charles Baudelaire

Bravo pour tes poèmes!