100 VERS DE NUIT.
Bienvenue dans ma nuit lecteurs de mes remords,
Vous trouverez ici les couleurs de la mort !
Si vous ne craignez point les ténèbres exquis,
Empruntez ce chemin funèbre sans un cri.
Je vous offre sans fard l'abîme de mon âme,
Contemplez le nectar de mes rimes infâmes !
Si vos yeux sont friands de lignes délicates,
Quittez dès cet instant mon antre scélérate,
Vous risquez d'abîmer vos rêves de dentelles
Tant mes mots sont glacés et ma plume cruelle !
Vous êtes donc restés dans ma triste aquarelle ?
Je vais vous raconter mes haines immortelles.
J'écris avec mon sang mes drames écarlates,
Le fruit de mes tourments qui consume ma rate,
Je suis de ces bagnards prisonniers de leurs larmes,
Ces hommes sans espoir lacérés par les flammes.
Je n'ai rien d'un humain, mon cœur s'est endormi
Bercé par le chagrin assassin de l'envie !
Vous n'avez donc pas fuit ces sinistres décors ?
Ces sèves de mépris qui me privent d'essor ?
Encore vous ici à lire mes égouts ?
Les courbes avilies que dicte mon dégoût.
Vous glissez doucement happés par mes ratures...
Vous cédez consciemment à scruter mes fêlures
Comme on cède aux faveurs d'une nymphe insolente
Pour voir si les douleurs sont toutes envoûtantes !
Alors je continue à vous ouvrir mes portes,
À passer en revue les vagues qui m'emportent.
Plus d'un resta figé à l'orée du dédale
Par peur de voir brûler leur reste de pétales !
Je suis de ces démons dénués d'empathie
Qui n'ont pour seuls timons que des ombres impies,
Tous ceux que je serre dans mes bras, je les broie !
Je suis âme austère et aux abois, je me noie !
J'écris pour m'évader, pour graver mes errances
Comme pour sanctifier mon acte de présence...
Je n'irai pas plus loin dans cette introspection,
Pour aujourd'hui du moins je n'irai pas au fond !
Retournez à vos cieux embrasser vos étoiles,
Je promets à vos yeux les restes de ma toile...
Je reviens vous offrir les relents de mes transes,
Quelques vers pour vomir mon trop-plein de violence.
Avancez avec moi dans mes arides landes,
Cette étendue d'effroi où les anges se pendent !
Êtes-vous vraiment sûr de vouloir regarder
Ce miroir sans figure abritant mes nausées ?
Vous me dites que oui!...vous voulez voir le pire,
Contempler le mépris qui règne en mon empire...
Rien ne peut m'émouvoir car je suis déjà mort
Froid comme les remparts d'antiques châteaux-forts.
La vie m'a amputé de ces pieux sentiments
Qui aident à rêver et réchauffent le sang.
J'aimerais tellement juste effleurer l'amour,
À peine un court instant esquisser ses contours,
Mais dans mes profondeurs souffle un vent de colère
De dégoût, de rancœur qui me maintient sous terre !
Entendez-vous les cris de mes joies qui s'effondrent ?
Vous les verrez aussi, vous pourrez les confondre.
Je garde pour plus tard ces fragments de lueur,
Vous les lirez un soir où je n'aurai pas peur...
Sortons un peu du noir de mes rimes amères
Empruntons le couloir où survit ma lumière...
Voulez-vous embrasser, de vos yeux celle qui
Est venu m'enlever aux serres de l'oubli ?
Je l'ai aimé si fort que j'ai brisé son âme,
J'ai poussé vers la mort la plus pure des femmes !
Mais avant de quitter mon étreinte cruelle
Nos ébats ont donné trois soleils à mon ciel.
Cette fée m'a offert des raisons de sourire
Mais mon cœur est de fer et mes lèvres de cire...
Elle sera toujours mon unique lueur,
Celle qui de l'amour m'a appris la saveur.
Depuis qu'elle n'est plus dans ma nuit, mes méandres
Mes rêves se sont tus, bâillonnés par les cendres !
Vous me dites que non ? Que ces lignes ne sont
Pas de celles qui vont vous offrir l'horizon ?
Vous m'en voyez navré si mes mains sont coupables
De n'écrire que des ténébreuses syllabes.
J'ai pourtant essayé de vous décrire un phare
Pour un peu éclairer mes obscures mémoires...
Après un intermède à l'éclat famélique
Ma plume vous concède un élan plus cynique.
Êtes-vous décidé à pénétrer au cœur
De mes tripes parées de toutes les horreurs ?
Je ne suis pas de ceux qui enlacent ce monde,
Qui quémandent aux cieux des richesses immondes !
Je n'aime ni les miens, ni les sombres pantins
Que mes yeux de vaurien croisent sur leur chemin...
Cette vie n'a pas su m'apprendre la passion,
Sûrement trop déçue de n'être qu'illusions !
Peut-être suis-je né à la mauvaise époque ?
Je me sens oppressé, je souffre, je suffoque.
Et vous mon cher lecteur, êtes-vous âme en fleur ?
Est-ce que vos lueurs ont pu chasser vos peurs ?
Moi je brûle d'effroi de ne jamais comprendre
Le pourquoi de ce froid qui tente de me prendre !
Je cherche, mais en vain, des raisons d'embrasser
Ce futile dessein que l'horizon promet...
Je vous dis au-revoir, je retourne à ma nuit,
L'adieu viendra plus tard, nous y sommes promis !