Qu'à donc fait raisonner heureux explorateurs,
Dans vos crânes fuyants les si tendres rumeurs
Du voyage ? Vos pas qui, confondus aux routes,
Vont ravir jusqu'aux cieux leurs inviolables voûtes,
Sont vos humbles chef-d’oeuvre, ô fouleurs d'infinis.
Si les yeux les plus bleus, sont ceux-là des bannis,
Partez, allez chérir l'ivresse de ces brumes
Partez, aussi loin que vous portent les écumes
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Quand l'aube enfin semée croissait aux horizons
J'allais cueillir sa fleur, quittant quelques maisons
Dont les couches salies étaient encore chaudes
Des rêves qu'à mon cœur imprimaient ces exodes.
Les vaux portaient les vents. Mes pas portaient mon âme.
Tout pied-à-terre était pour mon être une lame,
Un breuvage très mou, qui distillant l'ennui,
Empêchait de penser : "Et la lune me suit !"
Le monde, ainsi, prenait sous les feux du voyage
Ses yeux les plus secrets, son plus trouble visage.
Il n'y eut nul endroit qui ne fût magnifié
Par cet air d’aventure, ineffable et rosé
Sur ces routes rythmées d'un doux dérèglement
Je surpris dans l’Ailleurs un noble égarement
Qui sur moi se penchait, le regard un peu triste,
Et chuchotait tout bas "Que cette terre est vaste"
J'aimais l’égarement et l'intimiste stance
Que clamait toute chose en sa sourde présence.
Jamais autre transport n'eut d'âtre plus fiévreux
Et de main plus ferme sur mon cœur désireux
De mes champs dépeuplés, des poils gris de mon âne,
J'avais cru remporter la candeur paysanne,
Voulant tout éluder, de ce qui est trop haut
Pour mieux faire briller le terrestre berceau
De ces infinités si tendrement humaines,
Des bosquets en émoi, des gravats, des verveines
J'aimais à ériger de somptueux tableaux
Qui crèveraient aux dieux leurs fronts immémoriaux
Ainsi d'un beau bourgeon surgissaient des matins
Plus qu'aux astres levants, roses et incertains
Ô ruisseaux en éclats ! ô symphonies joyeuses !
Vous qui mimiez aux cieux nos fanges bienheureuses
Mais toujours la nature a dans ses moindres plis
Cet appel des azurs qui charme les esprits
Et laissant au passé les amours de la terre
J'abandonnais entiers mes yeux au roi solaire.
Tombèrent des rayons, qui dans d'ivres élans,
Rapportaient des éthers les célestes relents,
Et montraient à l’humain, ainsi que les poètes
Ce qui du monde ornait les obscures fossettes
Les plaines ébahies s'offraient au Roméo
Des bleutés, dont l’or frais du matin nouveau
Grimpait, fiévreux d’amour, au dos brun des ravines
Comme aux balcons l'ont fait d'autres mains italiennes
Quelquefois les nuées dénouaient de Jupiter
L'opaline toison de cristal et d'éclair,
Et mes pores cueillaient dans leurs hottes charnelles
Les fruits clairs et mouillés des nues sempiternelles
Au loin les longs chemins s'empourpraient de mystères
Furieux ; les plaines hérissaient leurs parterres
Et ronronnaient en chœur sous la main du couchant,
Comme Hélios de son bras avait roussi un champ