Moi, ta veuve

                                   
Moi, Ta Veuve

J’étais enfant avec toi,
Souviens-toi :
J’étais ta reine, toi mon roi
Nous partagions avec joie
Nos jeux innocents
En nous roulant dans les champs.
Puis,
Le pas traînant
Vint le temps
De laisser nos parents
De rentrer à l’école communale
Inondés des larmes que l’on ravale
Sous le poids du cartable pesant.
Puis,
Dans la même classe
L'un l'autre nous copiant
Ou en dansant la carmagnole
                            Sous  les regards amusés des surveillants                              
Puis,
L'adolescence et l'insouciance
Du certificat et de son incertitude
                           Nos antisèches et notre arrogance                          
Pour réussir nos études.
Puis,
Tu partis pour la guerre
Me laissant, pour la première fois
En moi, grondait la colère
D’une femme portant sa croix.
Puis,
L’inquiétude, les larmes et la peur
De ton corps meurtri
Tu étais mon bonheur
Mon homme, ma vie.
Puis,
La nature me métamorphosa
M’entraîna dans sa ronde
Le fruit de notre amour
Sortie vaille que vaille
Pour égayer mes jours.
Puis,
Un jour, un militaire vint me voir
Le visage de circonstance
Le cœur étreint de désespoir
Me présenta ses condoléances.
Et moi, effondrée
Je lui hurlais, ma désespérance.
Puis,
À l’église je me rendis
Questionner Dieu sur mon malheur
Sur cette vie trop tôt partie
Chère à mon cœur.
Depuis, cette épreuve
Je suis ta veuve
La place est vide dans le lit.
Ma main épouse doucement l’oreiller
Ou les draps, sans répit
Dessinent ton corps, toi, mon aimé.
Aucun bras pour enserrer mon corps fiévreux
Pour consoler mon âme meurtrie.
Aucun regard langoureux
Seules, tes photos me sourient
Il me faut apprendre désormais
À vivre en retrait
Sans toi.
À combler les silences
Et la solitude,
D’une vie sans importance
À de nouvelles habitudes.
À poser des questions
Sans que ne viennent les réponses !
À ne pas perdre la raison
Tout mon corps y renonce.
Un jour sûrement
Le proverbe le dit
Le temps apaisera mon cœur
Lui redonnera vie
L'amour, on le sait bien
Donne des ailes et nous enflammes
Et quand bien même
Un autre soleil m’apaiserait
Je garderais toujours dans mon âme
Tout au fond de moi
Une grande place pour toi
Car je garde en mon sein
L’empreinte de ton prénom.