Complicité avec Louise Ackermann-L'amour et la mort

 L'amour et la mort ( à Monsieur Louis de Ronchaud)

ELYSE    Sur ce banc vermoulu observez donc ces mères
Surveiller en criant, leur enfant  turbulent
Hier, encor pas si loin, elles se pendaient fières
Au bras de leur  amant.

DE RONCHAUD     Regardez-les passer, ces couples éphémères !
Dans les bras l'un de l'autre enlacés un moment,
Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières,
Font le même serment :

ELYSE    Dans l'émeraude écrin où les eaux du lac plissent
Ils échangent parfois de sensuels  baisers
Et s'éloignent cacher les ardentes prémices
De désir de s'aimer

DE RONCHAUD     Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent
Avec étonnement entendent prononcer,
Et qu'osent répéter des lèvres qui pâlissent
Et qui vont se glacer.

ELYSE    C'est le temps des amours, l'impudeur des caresses
Des frôlements hardis et des propos menteurs
Des toujours des jamais, d'heures enchanteresses
Qui font fuir le malheur

DE RONCHAUD     Vous qui vivez si peu, pourquoi cette promesse
Qu'un élan d'espérance arrache à votre coeur,
Vain défi qu'au néant vous jetez, dans l'ivresse
D'un instant de bonheur ?

ELYSE    Comme eux vous marchiez, dans le jour qui décline
Enlacés , amoureux, est-ce si loin cela ?
Elle portait voilette et blanche capeline
Au lien de taffetas

DE RONCHAUD     Amants, autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : "Aime et meurs ici-bas ! "
La mort est implacable et le ciel insensible ;
Vous n'échapperez pas.

ELYSE    La neige en vos cheveux accroche la lumière
Vos yeux trop éblouis clignent au grand soleil
Rappelez vous qu'hier dans la verte clairière
Si bleu était le ciel