Joël Gissy Plume de Saphir


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 | Sujet: La Fée verte du Bockloch Ven 28 Jan 2011 - 18:44 | |
| Il est près d’un village nommé Wildenstein Un château en ruine au sommet d’une montagne Rocheuse qu’environne une verte campagne. Une légende –ce n’est pas celle de Daïn, Ni celle d’Artus, mais d’une crête incertaine- Raconte qu’au temps jadis, des seigneurs brigands, Barbares sans pitié, pillards et arrogants, Avaient élu demeure sur ce roc en peine. Chasseurs invétérés, hommes durs et cruels, Assassinant sans cesse et malmenant leurs serfs, Ils aimaient avant tout la guerre et les duels Et traquer jusqu’au fond des bois les nobles cerfs Qui parfois se jetaient dans l’onde tourmentée D’une chute immense qu’on dit toujours hantée Par le fantôme vert d’un chevalier sauvage. Ce fut une nuit sombre, avide de carnage, Que le seigneur le plus brutal de ces bandits Périt dans le tumulte avec son destrier, En traquant un brocard par les gouffres maudits. Les anciens savent encor que le meurtrier, En poursuivant la bête noire aux yeux jaunâtres, Jura plus d’une fois le saint jour de Noël Avant de sombrer dans le courant éternel. Depuis ce soir funeste, on tremble au coin des âtres Aux parages de la sombre forêt damnée. Il m’arrive d’aller dans cette ruine austère Quand vient l’été frileux, au moment de l’année Où la nature est calme ainsi qu’un cimetière, Afin de surprendre le galop frénétique Du cavalier qui erre en ces lieux désolés. C’est une forêt troglodyte et pathétique Qu’un murmure parmi les arbres boursouflés Emplit d’une diffuse et troublante inquiétude, Qui court sur votre nuque comme un baiser froid ! Sous une voûte intacte, un escalier étroit Conduit à un petit pré par un sentier rude Duquel j’aime contempler le val endormi. Mais lors d’une nuit obscure aux ombres mouvantes, Je fus frappé en mon sein, meurtri à demi, Par l’inflexion aux langueurs évanescentes D’une plainte hésitante, humble et surnaturelle, Qu’une voix pleine de douce mélancolie Egrenait au vitrail ardent d’une tourelle. Alors je levai mon regard plein de folie En direction de cette apparition spectrale Que je devinais à la lueur vagabonde, Et je fus saisi d’une froideur sépulcrale Quand j’aperçus soudain une sylphide blonde Qui se tenait livide à la fenêtre enclose. L’étrange miniature était si frêle et pâle Que le vent balançait sa chevelure éclose A la trouble verdeur de ses beaux yeux d’opale ; Et désespérément, la grêle prisonnière Se penchait sur l’abîme, blême et implorante, Comme si derrière elle la glauque lumière De ses geôliers l’eût fait vaciller d’épouvante, Esclave maltraitée par de lâches bourreaux, De sa prison de verre étreignant les barreaux, Ou telle une pensée qui s’incline et frémit Aux tendres feux du soir qui frissonne et gémit Quand vient le crépuscule en soupirs éclatants. Emu, alors certain que mon heure sonnait, J’escaladai la falaise jusqu’au sommet Pour cueillir la fleur aux longs rais étincelants. Je caressai la corolle à plat sur ma paume, Juste entre deux doigts, puis brisai le fil d’arôme Par où tenait la vie de cette créature, Calice odorant sur un lit de pourriture. Grelottante et blottie ainsi qu’un petit être, Je sentis mourir au creux de mes mains ouvertes, Et perdre le souffle en suintant des gouttes vertes, La fée dont un instant j’avais été le maître. Alors la voix se tut –j’avais rompu le charme-, Et je crus que la rose versait une larme… Sur le roc mystérieux où je savais entendre Autrefois les sanglots d’un air tristement tendre Ebruité par la fraîche rosée du couchant, Je ne vois plus que ravage et destruction, Or qu’en place de mélopée, le cri méchant Et comme plein de glace du morne aquilon Siffle un remord lugubre dans la nuit humide Que la lune irise d’un éclat maléfique, Tandis qu’au loin varie le jappement timide Du perfide chat-pard et d’un chien famélique. Joël Gissy Joelgissy-poesie.com | |
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