Les coups

Ils commençaient avec la clé
Déverrouillant la grande porte
Dans l’appartement dénudé
Où je vivais en mère morte
 
Tes yeux me disaient en entrant
S’il fallait m’armer de courage
Peindre la peur sur mon visage
Décomposé, devenu blanc
 
Ces mains qui caressaient mon corps
Quand l’humeur prenait garde-à-vous
Ces mêmes mains qui tout à coup
Pouvaient me battre sans remords
 
Je les guettais souvent en douce
Pour préparer ma chair tapie
Bientôt sûrement en charpie
Des larmes bleues à la rescousse
 
Des avant-bras de bouclier
Surtout ne pas crier ma honte
Penser qu’avec amour s’affronte
Ma turpitude et le danger
 
Ils commençaient avec la clé
De voute de mon insouciance
Des précautions en permanence
Pour ne surtout pas t’énerver
 
Ils finissaient entre tes bras
Sur mes tissus endoloris
Enfermés dans le présent froid
Mon âme ignorant l’accalmie
 
Je les ai pris dans mes bagages
Le jour où je me suis enfuie
Le cœur encor longtemps otage
Coupable et l’égo tout petit
 
De main, de vent, de soleil, deuil
Sur ma vie dissolument vide
A boire, à tenter ou d’un seul
Revivre leurs impacts acides
 
Dans la mémoire un long cercueil
Transporte l’eau qui m’enlinceule.

Bonjour et merci Plumalune pour ce texte douloureux, touchant et si poétique.

Merci Vero
 

Joli poème cruellement actuel dont le sujet  me fait penser à ce texte issu d'une chanson d'Yves Jamait:
Je passais par hasard

Je passais par hasard
Je passais pour vous voir
Pour retrouver un peu
De ces amitiés rares
Qui fondent les espoirs
D'un "c'est possible à deux"
Et je trouvais charmant,
Idéal et bluffant
De vous voir amoureux
Bien que de temps en temps
C'en était presque chiant
De vous sentir heureux
C'est dans cet esprit-là
Que je franchis le seuil
De cette jolie maison
Née d'un désir nuptial
Mais là, je reste coi
Interdit sur l'écueil
Qui brise la passion
En horreur conjugale
Nous voilà tous les deux
Accablés de silence
Je cherche en vain les mots
Qui pourraient te porter
Effacer tous ces bleus
Enfin, des mots qui pansent
Et se glissent sur ta peau
Aux pores terrorisés
Mes mains de mâle honteux
Tremblent de te toucher
Je m'approche quand même
Et te prends dans mes bras
Tu t'enfouis dans le creux
De mon cou pour pleurer
Tu dis "c'est la énième fois
Qu'il me fait ça"
Et que ça fait longtemps
Déjà qu'il te dérouille
Tant il est persuadé
Que tu dragues au passage
Et son regard qui ment
Te fait crever de trouille
Quand il vient soulager
Avec ses poings sa rage
Si ses poings n' suffisent pas
Il frappe avec les pieds
Quand, tombée sur le sol
Comme une bête inerte,
Tu caches de tes bras
Ton visage tuméfié
Alors, le coup de grolle
N'en est que plus alerte
Je ne reconnais pas
A travers cette ordure
Celui que j'ai aimé
Qu'aujourd'hui je vomis
Il était pas comme ça
Enfin, j'en suis plus sûre,
Il faut l'avoir été
Pour être aussi pourri
Je passais par hasard
Je passais pour vous voir
Pour retrouver un peu
De ces amitiés rares
Qui fondent les espoirs
D'un "c'est possible à deux"
Viens
Je n'ai que ma tendresse
Viens, viens, viens là contre moi
Viens
Et pour que tout ça cesse
Viens, je t'emmène avec moi

"Ta peau aux pores terrorisés"
C'est fort.
Merci pour ce partage, je ne connaissais pas.