A Grenade.
Tu as vu les oliviers couchés sous le soleil,
leur ramure se teinter d'argent,
le sang sur l’ocre coulant du fruit vermeil,
éclaté dans la chaleur de l'arène,
Grenade qui dort quand le poète s’éteint .
Dans un halo de lune où coulait la nuit
et son dur éclat fondu dans l'étain
tu as vu le regard perdu dans la fontaine
où la Muse ,un soir, de l'eau a fui.
Sur une colline, scintillent des feux follets
les fruits amers et sombres qui tombent,
comme des soupirs dans l'ombre,
légers comme les esprits qui peuplent les tombes
virevoltant sur la terre brûlée ;
Là –haut, dans un demi- sommeil,
des hommes vont par les chemins cachés,
ils ont des rêves de cristal sous les collines boisées
ils marchent dans la nuit privée d’étoiles,
sous le ciel dur , presque minéral ,
tu les as vu dans l'opale d'une lune d'été .
Tu les as vu quand le Gitan du Sacromonte
criait au coin de la forge rouge et enfumée,
frappant l'argent de l'été ibère
les nuits de lune ,sans honte,
son antique douleur.
Heurtant le silence de son marteau sur l'enclume;
la nuit en extase quand monte le Cante Jondo
finissant en prière, dans le noir profundo,
alors les yeux de braise se voilent de brume;.
Et les collines éclatantes de lunes en phase
laissent couler toutes les larmes de Grenade
et la neige en ruisseaux qui vont jusqu'à la mer.
Tu as vu aux fêtes mariales dans la chaleur de Grenade
tant de feux qui fument en volutes de gitanes ,
volants d'arpèges et de couleurs entre les manades
qui s'élèvent dans la nuit bleue.
Au fond des cours le taquéo sec et pur
martèle le sol dense ;
la cadence devient dure
dans l'ombre où les parfums flottent
entre les murmures
puis épuisée, au matin ,la danse devient pavane ;
l'Albaicin fait taire ses ombrages où coulent des fontaines;
les ombres bougent encore au fond des vasques pleines
d'une eau fraîche comme l'est l'âme du poète,
le matin, au soleil dans le jour frissonnant,
qui redresse la tête sous les accords dissonants
d'une improbable fête.
Les orangers ont perdu ces fleurs au parfum suave.
qui embaumait les rues jusqu'à l'ombre qui glace .
dans la ville tous les regards sont graves
on écoute le chant profond qui fait vibrer la place.
Une femme vêtue de cendres se perd dans ses souvenirs ;
elle revoit sur la scène sombre ,au fond d'un tablao,
les balles qui fusent entre les flammes ,le feu gémir,
et dans l'ombre rougeoyante du brasero
une fleur de solea disparaître dans la nuit .
Aux accords dissonants,se mêlent dans son esprit ;
les vertiges du chant et maint sortilège,
les neiges des monts de Grenade,
la mémoire du peuple Andaluz
et ses rêves rémanents.
nov 2016 jff