La fabrique

c'est très violent !
mais je n'ai pas tout compris. je suppose que cette violence est l'image de quelque chose que tu ne nommes pas. (je dis "tu" car je vois que tu as 20 ans )! enfin j'ai une idée mais je ne suis pas sure.

proposez votre idée, ce pourrait être correct.

La violence du fond fait oublier la forme, mais celle-ci est bien présente. Continuez dans le rap.

bon, je tente !

je dirais que ça représente l'autodestruction de l'homme par l'homme,  mais surtout la destruction de Gaïa, la Terre/Mère.

c'est correct ? ou j'ai tout faux ?

Oui et non.
Rien à voir avec Gaïa, ou la terre, mais à travers les horreurs décrites il y a cette idée de délectation de la souffrance, du sanguinolent et du sale.
Ce qui est représenté est un plaisir obscène que Je (celui qui raconte) prends à voir un animal passer à travers les différentes étapes de sa fin planifiée. Ce n'est pas une mise en avant du végétarisme, mais plutôt l'espèce d'hypocrisie de rejeter toute forme de violence sur les animaux (chiens, chats, chevaux, etc...) tout en profitant de leurs entrailles salement découpées mécaniquement et donc, logiquement, de manière inhumaine (puisque par des scies).
D'où aussi le titre "la fabrique". On fabrique notre société pacifique sur la mort d'être vivants, certes animaux, mais sans ce soucier de l'acte en lui-même qui représente la fin d'une vie.
C'est peu ou proue l'idée du morceau "Mobcsene" de Marilyn Manson que je vous invite à écouter.

je comprend, je suis d'accord avec toi. contre cette hypocrisie, cette violence, contre les animaux, mais aussi contre l'humain. je ne sais pas pourquoi m'est venue après plusieurs lectures cette idée de la Terre. mais je trouve très intéressants tes textes, bruts, violents, imagés, qui ne laissent pas indifférents et incitent à la réflexion pour les comprendre.

Jeannie, bonsoir, sans vouloir vous vexer, je suis obligée de réagir, concernant les fruits et les légumes ! dans ce cas, on ne peux plus non plus marcher dans l'herbe de peur d'en écraser un brin ! je suis bien d'accord sur le fait qu'il faut respecter la nature mais nous sommes bien obligés de vivre et pour cela, de manger quelque chose. non ? 
bien amicalement

Bonsoir,

Voici là un texte d'opinion pamphlétaire qui m'a conduit à repenser l'un des miens que j'avais écrit à propos de la tauromachie... Certes, du plus loin que peut porter le "regard" du paléontologue, l'homme est né omnivore et le restera sans doute longtemps encore. Alors qu'y pouvons nous changer, sinon que légiférer contre les modes d'abattage comme autant ceux de l'élevage en batterie, ou encore: le gavage des canards?

Dans ce que je fais il ne faut pas chercher des critiques pures et simple, je prends des choses qui peuvent, à mon sens, être dégoûtantes, dérangeantes ou malsaines, et je leur donne une forme qui permet de les appréhender différemment. Je fais, en somme, le même travail psychologique que nous faisons en appelant un être au comportement abject "un monstre", pour le déshumaniser et le rendre compréhensible sans que cela ne nous touche personnellement en tant qu'humains. Je le fais cependant dans l'autre sens, je rends l'horreur accessible par l'abjection qu'elle aspire.

Ici il n'était pas question d'attaquer la nécrophagie en elle-même, pas plus que de promouvoir le végétarisme, mais simplement pointer différents aspects de notre nature:
1- notre besoin de nous nourrir nous oblige au même titre que n'importe quel animal omnivore/ carnivore à tuer un être vivant.
2- cependant ce besoin peut devenir une excuse pour perpétrer des actes que d'aucun nommerait de "barbare" ou "abject" s'ils concernaient des humains, mais pas des animaux.

Ainsi, en usant d'adjectifs exprimant le dégoût, tout en jouant sur la surenchère de détails qui maintien le lecteur dans un état de curiosité (" de quelle immondice vais-je être le témoin si je continue ma lecture?"), je met ce dernier face à sa propre curiosité morbide, similaire aux bouchons causés par les accidents simplement parce que les gens ralentissent pour regarder, ou le nombre sans cesse grandissant depuis l'apparition des réseaux sociaux, de vidéos vulgairement violentes et obscènes dans la curiosité et le désire d'en voir plus.

Hum, la nécrophagie que tu cites est le fait de manger des cadavres. Certes l'être humain répugne à consommer les animaux vivants. C'est pourquoi on a créé des "fabriques" dans lesquelles on les abats avant de les transformer ou simplement les débiter. Alors bon, moi je veux bien qu'on utilise l'esprit du gore pour interpeller le lecteur, mais là: ça n'est plus de la poèsie!

Qu'est-ce donc alors?

à mon sens, l'art de la poèsie se devrait de cultiver le chant de l'âme, et non celui du démon qui sommeille en chacun de nous. De fait le poète est avant tout un artiste soucieux de la beauté de ses textes, même s'il est engagé. Ceci afin de ne pas s'auto-réduire à provoquer la destruction irrémédiable de son surmoi.

C'est en effet la vision de la plupart de ceux qui lisent et/ou écrivent de la poésie.
Ce n'est pas mon cas. Mon objectif est de déranger par une lecture à deux étages:
1- la séduction par la forme, l'harmonie des mots qui s'accordent, la danse du langage et des sonorités.
2- le dégoût de se rendre compte que le fond est en réalité horrible.
Je veux retirer le voile de la mariée pour montrer les asticots qui vivent en dessous, enlever l'écorce de l'arbre pour montrer la moisissure qui l'habite, que le lecteur observe la disparition de la lueur dans l'oeil de celui qui n'est plus.

Ce texte est particulier en ce qu'il va jusqu'au bout dans la mise en scène du sale. C'est un peu le Saw de ma collection, aux sonorités stridentes et désagréables, celles des scies (les s-) et des engrenages (les r-), qui font couler les mots ou alors les découpent.
Le beau est observable, car agréable, or le laid est beaucoup moins accessible, car on l'évite, on tourne le regard en retenant notre respiration. C'est ce qui, à mon sens, le rend intéressant et si unique.

Rimbaud et Baudelaire l'ont fait, j'ai simplement été plus loin.

... Et c'est tout à ton honneur.

Cela s'admettant cependant pour un style quelque peu revanchard envers d'autres modes littéraires tout aussi explicites mais de façon plus suggestives.

Bien cordialement et à te lire.

RHD