C'est bien triste. Mais je ne m'accorderai pas sur l'idée que l'absence de sens a quelque chose de dramatique, pareil pour l'absence de nom. Pour ma part, j'ai cessé de me poser des questions graves comme le "sens de la vie" parce que ça ne mène à rien. Poser cette question rend le mot "Sens" très abstrait, parce que précisément on ne connaît pas le sens. On aurait tôt fait de dire, dans cette optique, que l'Homme n'est pas en mesure de comprendre; non, il n'y a rien à comprendre, tout est gratuit et sans intention. Il suffit de regarder le monde; des milliers d'insectes naissent et meurt à chaque seconde, pour rien, pour leur seule subsistance absurde. Ce doit être l'Homme qui a inventé l'intention, en tout cas, il en met dans tout ce qu'il fait; il se fait utilitariste et tout autour de lui doit avoir un sens. Par ailleurs, l'utilitarisme poussé à ses dernières extrémités aboutit à des abominations, pour ne citer que les camps de concentration; le prisonnier doit être le plus rentable possible, on le fait travailler le plus, le plus longtemps possible, et quand il meurt on récupère ses os pour fabriquer de la colle car même son corps doit se rendre utile. quoi qu'il en soit, l'Homme ne retrouve pas sa conception des choses, qui lui semble si naturelle, dans l'Univers, donc il panique, il ne comprend plus, il croit que sa situation est désespérée.
Tout ça pour dire qu'à mon avis, il ne faut pas se demander quel est le sens de la vie. Comme ça; quel est le sens de la poésie, à quoi ça sert? Voilà trois mille ans qu'on se pose la question, et on finit toujours par répondre: à rien.
Cependant, me voilà face à un doute; est-ce par pitié pour ces fourmis, esclaves d'elles-mêmes, que l'anonyme appuie sur la gâchette, ou bien parce qu'il ne voit pas de sens en lui-même et autour de lui?