Ce recueil représente une dédicace spéciale à celui que je considère comme mon maître de poésie, Michaël Legendre... Ce dernier, pour autant que j'ai pu comprendre, appartient à une école, constituée autour de Monsieur Louis Latourre, qui remet au goût du jour, dans un esprit vivifiant et tout à fait contemporain, le vers dit classique dont Malherbe représente, pour ainsi dire, le chef de file, dont on pourrait aussi citer, en tant que dignes représentants, Corneille, Lafontaine ou encore Boileau et, plus récemment, Mallarmé et Paul Valéry. Celui-ci refuse jusqu'à présent le titre que je lui décerne, ce qui ne m'empêche bien sûr pas, dans l'intimité et ici publiquement (si tant est qu'il y aura quelque lecteur à cette œuvre), ni de l'honorer en tant que maître, ni, bien sûr, en tant que poète.
SONNETS POUR MICHAËL
Novembre 2016
(I)
Monsieur, vous, qui savez de la moindre parole
Donner la perspective entière à mon travail,
Vous, juste, qui voyez sous le bel attirail
Du jeu des mots d'esprit la vaine parabole,
Vous resterez toujours mon invincible idole.
Si malgré mes défauts, vous souffrez ce cocktail
D'ardeur et de paresse, au milieu du tramail
De vos vers ciselés, je suivrai votre école.
Les siècles ont passés déjà les vingt-et-un !
(Vous m'en voyez navré, mais il n'en manque aucun !)
Je veux, si vrai que cinq seulement nous éloignent
Du temps où le poète excellait dans cet art
De comparer l'amour aux roses, tel Ronsard,
Prince être du seul fait que mes vers y enjoignent.
(II)
Plus que tout résolu dans mon désir d'écrire
Un sonnet impeccable, au moins, avant la mort,
Mon esprit, épuisé d'obliger le remord
A se taire à jamais, ne peut plus même en rire.
Tout à coup le mystère, impossible à décrire,
De l'inspiration sans laquelle nous mord
Le désir d'abandon, surgit en un trémor :
Au nom de Mickaël est l'œuvre à circonscrire !
À partir du niveau d'exigence adéquat
La forme, en elle-même, assure un reliquat
Riche et noble au pur sens adoré de notre âme.
Pour le don qu'on me fît d'imagination,
Je voue aux dieux un culte avec dévotion
Et ce poème à vous pour vos leçons sans blâme.
(III)
Qu'il est long le chemin pour concevoir des vers,
Usurpant, chaque fois, son cachet au silence
Qu'il eût pourtant fallu préserver de la stance
Inutile et douteuse à travers l'univers.
Mais voyez, progresser ne va pas sans revers
Desquels on ne peut pas apprendre sans constance
Dans l'art de fabriquer, quitte à souffrir l'offense
De se voir rejeter des mots encore verts...
Aussi réfléchissez que si je vous adresse,
Le cœur tout déférant mais empli d'allégresse,
Ce persistant hommage à vos yeux attaché,
Ce n'est pas pour vous plaire ou même être pénible,
Mais bien pour me permettre, au jour que j'ai tâché,
D'expier cet affront dont écrire est la cible.
(IV)
Maître de poésie est un titre éminent,
Par trop lourd à porter pour qui s'identifie
Aux mots de son esprit dont l'œuvre pétrifie
La verve enchanteresse aussitôt déclinant.
Quel besoin, pour un art intègre et pertinent
D'étourdir le propos auquel seul on se fie
Par de vains à-côtés, ornements qu'édifie
Le désir d'amoindrir un talent permanent ?
Vrai, je ne peux jamais, car de deux choses l'une,
Être juge et partie au cours d'une tribune
Sans annuler l'effet et de l'autre et de l'un.
Lors, si vous écrivez, que votre feu déchaîne
Les muses et la grâce en un vôtre dessein !
Mais quand vous conseillez, laissez parler le chêne...
(V)
Wesh, ma gueule, t’as vu ? Mes sonnets prennent l'eau...
Des chiottes j'écris ! Je cherche pas d'excuse,
Toi-même tu sais qu'on trinque même à la Suze.
Assure-moi, s'te plaît, au moins une garrot !
Cousin, sur le Coran, je suis pas un mytho,
Je pige jamais rien à ta leçon abstruse...
Tu veux bien répéter ? Désolé si j'abuse,
Mon frère, bien ou bien ? J’aime être ton dévot.
Reste bien ! T’as cru quoi ? Que j'étais un novice,
Un pigeon, un bouffon, un type plein de vice ?
Je ne veux rien de toi, Man, sinon découvrir
Les secrets d'Ecriture, au fil de notre échange,
Pour le fond et la forme, apprendre le plaisir
De composer des vers à la genèse étrange.
(VI)
Fatigué de vos jeux, l'ordinateur éteint
Tandis que vous riez encore de vous-même,
Seul devant votre écran, content de ce poème
Commis contre un péquin ignorant et hautain,
Vous sombrez en un somme apparemment serein
Que certains cauchemars viennent, méchants problèmes,
Troubler incessamment en d'effroyables schèmes
Que nul autre que vous ne peut voir aussi bien.
Malgré votre talent, vous souffrez en silence
L'amère solitude, illusion de chance
Dont vous ne sortirez qu'en acceptant d'aimer.
Croyez-moi, du plus loin que votre intelligence
Vous conduit à séduire, au détour, telle engeance,
Pour ouvrir votre cœur, laissez-la reposer !
(VII)
La voiture filait, tel le char de Neptune,
Suivant le bord de mer ; tu avais mis Amy :
Elle psalmodiait, chaudes comme un vomi
Cathartique et létal, ses larmes d'infortune.
Ton short, qui laissait voir tes jambes, une à une
Révélaient un secret indicible aux amis,
Corps-à-corps indécent même aux plus endormis,
Fantasmes impuissants qu’on hurle sous la lune.
Peut-on aimer vraiment sans le désir charnel,
Sans goûter du jardin d'Eden l'arbre éternel
Dont le fruit si juteux à chaque instant nous happe,
Nous entraînant si loin des idéaux nourris
Aux mots purs du poème, en nos cerveaux pourris,
Équivoques et secs, étouffant sous leur chape ?
(VIII)
L'existence est un don, je suis son seul témoin,
Le temps est un concept dont on use à sa guise,
Souvent en pure perte et quoiqu'on le déguise,
Faut-il savoir encore à quelle œuvre il enjoint !
Mourir est le seul but dont il faut prendre soin
Quand la peur nous taraude et le désir s'aiguise,
Il nous faut trancher net et déguster l'exquise
Demande de notre être en comblant son besoin.
Car honorer la vie éternelle et fugace,
C'est vouloir retourner, un jour, de bonne grâce
L'initiale forme aux regards épuisés,
Vers le sein créateur, matrice sidérale
Qui nous donne le souffle, à tous, à part égale,
Et brûle l'amertume aux corps des mésusés.
FIN
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