Le blaireau
Perdure en folie la trame du temps qui se perd dans les frondaisons synaptiques de son cerveau malade...
il vit toutes les existences qu'il a oubliées dans la seconde qui le prive et le prend.
Camarde mon amour laisse moi te raconter l'histoire d'une de ces vies. Tiens justement celle que tu viens de me voler...
Deux heures, voilà deux heures que sans répit ce foutu trottoir j'arpente à te guetter, à t’espérer, sans qu'à l'horizon tu n'apparaisses !
Pourtant ce matin, ou hier je ne sais plus, ton message clair comme de l'eau de roche, m'indiquait l'endroit, l'heure de ces retrouvailles. Subtilement même ton envie de me revoir, allez, ne dis pas le contraire, je l'ai bien bien compris ! Ta vie sans moi est impossible, un constat qui te semble cruel mais dont tu sembles avoir pris conscience, malgré mes égarements, mes doutes ou mes certitudes qu'à tort je t'ai peut-être imposées.
Tu m'aimes, que veux-tu, il y a des choses sur cette terre contre lesquelles on ne peut rien.
Te souviens-tu de ce bel après-midi d'automne quand péniblement, à l’ombre des vieux chênes du parc municipal, tu m’annonçais déjà ton intention de me quitter trois mois seulement après notre première rencontre. ? Que t'ai-je dit ? Mon amour, ne t'inquiètes pas, tu ne le sais pas encore mais je suis celui que tu attendais depuis toujours, je suis ton héros, ton spiderman, ton homme élastique, ton avenger, quoi !
Il t'a suffit de cela pour qu'à l'église de mes pairs je te mène et te prenne pour épouse fidèle et à jamais consentante, jusqu'à hier, ou avant hier je ne sais plus...
Bon c'est vrai que je me suis emporté un tout petit peu, mais chérie ce ne sont que quelques bleus que le temps et ton amour pour moi vont effacer en un clin d’œil !
Tu te vexes vraiment pour peu de chose, imagine un peu si je faisais comme toi, on en sortirai jamais de ces futiles disputes.
Quatorze heures...allez tu m'a accordé l'éternité devant monsieur le curé, en bon prince je t'accorde moi encore un petit quart d'heure. Ce serait bien la première fois que tu me poses un lapin et franchement je ne le supporterais pas deux fois...
Enfin je t’aperçois au bout de la rue ma princesse, belle dans le vent des autobus qui se croisent et se décroisent sans cesse te cachant à ma vue régulièrement. Ton allure est calme et déterminée, et je ressens déjà au fond de moi ce besoin qui t'anime et te promet ces si doux instants dans mes bras.
Je suis heureux, presque comblé, juste en face au bout du passage piéton ton sourire me ravit...voila c'est vert, viens mon cœur rejoindre celui qui te fait vibrer malgré toi, viens...
Mais pourquoi donc restes-tu immobile...coquine ! J'arrive. D'un bon pied j'accoure à la rencontre de ma promise...
Merde ! C'est rouge...AHHHHHHH ! Putain de bus ! Galette de sang écrabouillée sur la chaussée, je regarde encore une fois de l'autre coté...plus de sourire, plus de baiser !
Juste un doigt levé....